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16 août 2011

Les pompiers au préfet : "un jour, il y aura mort d'homme"

Préfet de terrain et de dialogue, Claude Baland est venu à la rencontre des sapeurs-pompiers des deux casernes de Montpellier mardi 16 août après-midi, d'abord pour les soutenir après de récentes agressions, ensuite pour écouter leurs doléances. Accompagné de Michel Gaudy, président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (Sdis 34), du colonel Christophe Risdorfer directeur départemental du Sdis 34 et du commissaire divisionnaire Jean-Marie Farnault, directeur départemental adjoint de la Sécurité publique de l'Hérault, le préfet a joué la transparence. Durant deux heures, il a enregistré les témoignages spontanés de la trentaine de pompiers d'astreinte au centre de secours principal de la Paillade, théâtre d'une violente expédition punitive au soir du 10 août dernier.
Peur au ventre
Un major, trente années de service y était : "Nous avons vu débouler dans la caserne une trentaine de jeunes armés de barres à mine qui voulaient en découdre, nous étions une quinzaine, nous avons reçu des coups, il y a eu quatre blessés chez nous, nous n'avons pas riposté, nous avons préféré nous replier et attendre l'arrivée des policiers". Un jeune sapeur en renfort pour la saison des feux de forêt : "C'était impressionnant, j'ai vraiment eu la peur de ma vie, se sentir en danger dans une caserne de pompiers, c'est surréaliste". Un sergent vient bosser avec la peur au ventre : "Depuis le faits, ils sont revenus deux fois devant la caserne, la dernière fois, c'était il y a deux nuits, ils nous ont dit : si notre copain qui est en garde à vue va en taule, nous reviendrons vous faire la peau". Lequel formellement identifié grâce à son ADN relevé sur une barre de fer trouvé à son domicile a été mis en examen lundi 15 août au soir et emprisonné à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Les pompiers veulent une protection policière permanente, comme les nuits précédentes où les véhicules rouges ont été escortés depuis la caserne sur les lieux d'interventions en zone sensible par des voitures de la police nationale. "Il y aura un véhicule de nouveau cette nuit" a promis le patron des policiers d'ici.
Guet-apens
Un caporal-chef raconte : "l'autre nuit, nous avons été appelés avenue Louis Ravas, où le pilote d'une moto volée était grièvement blessé et coincé sous une voiture. A notre arrivée, alors que nous portions secours au blessé, une vingtaine de personne du quartier s'est regroupée. Nous avons été insultés copieusement". Un caporal prend la parole : "Une nuit récente, on nous a fait venir dans une cité soi-disant pour un ascenseur bloqué dans une tour. C'était un guet-apens, à peine l'équipage arrivé, une vingtaine de jeunes encagoulés nous ont bombardés de pierres et de gros morceaux de bitume, d'autres ont lancé des couteaux du 15e étage, ça devient invivable, il y a urgence, car un jour, il y aura mort d'homme : ou un pompier sera tué, ou il tuera un agresseur après avoir perdu son sang-froid".
Bouteilles d'acide
Un sergent-chef révèle le nouveau phénomène inquiétant pour la santé des locataires et des pompiers : "Les jeunes des cités de la Paillade, du Petit-Bard et des Cévennes confectionnent des petites bouteilles remplies d'acide, qu'ils entourent d'un dispositif de mise à feu dans du papier aluminium, au bout de longues minutes, ça explose, ces engins sont placés la nuit dans les cages d'escaliers des immeubles". Un caporal-chef : "Nos voitures personnelles ont été fracturées, nous avons trouvé des jeunes de la cité endormis sur des fauteuils dans la salle télé, ils ont des guetteurs qui savent quand la caserne est presque vide en raison d'une intervention massive ou de sorties simultanées". Le préfet Baland a recommandé de rehausse la hauteur de la clôture (1,50 m à peine), d'installer un portail automatique et a promis de doter la caserne de caméras de surveillance. "On doit mieux vous protéger et on le fera" a-t-il promis. Le colonel Risdorfer a insisté sur "l'émotion, le stress, la peur palpable des pompiers, mais qu'au-delà de ces craintes, il fallait continuer à faire des efforts de médiation, notamment en allant à la rencontre des chefs des communautés des cités sensibles". La question de déménager la caserne de la Paillade évoquée par un adjudant-chef n'a guère fait l'unanimité, le préfet Baland estimant au contraire : "ça constituerait un aveu d'échec de l'Etat"...La sirène interne a appelé les pompiers à la réalité quotidienne, le préfet s'en est allé à la rencontre des collègues de la caserne de Montaubérou, eux-aussi confrontés aux agressions, injures et menaces de mort. Il va bien falloir éteindre ce feu qui couve...
Jean-Marc Aubert

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