Cette journée de mercredi consacrée à la déposition de Méziane Belkacem, ce Marocain de 52 ans, laveur de carreaux et jardinier occasionnel dans la propriété du couple Bissonnet à Castelnau-le-Lez, aura été pire pour le mari de la victime, que celle de la veille. Pourtant, Jean-Michel Bissonnet n’avait guère été épargné par l’adjudant-chef Bernard Geniès, le gendarme de la section de recherches de Montpellier, directeur d’enquête. S’exprimant dans un bon français, Méziane Belkacem a reconnu avoir tué Bernadette Bissonnet le 11 mars 2008 entre 20 h 45 et 21 h 15 : « C’était un plan entièrement dicté par M.Bissonnet, je l’ai appliqué à la lettre, j’ai respecté tout ce qu’il m’avait dit de faire ». Belkacem l’a répété une dizaine de fois, lorsqu’il a été questionné par le président Joël Mocaer, le matin, puis tout au long de l’après-midi, quand les neuf avocats des parties civiles et de la défense, ainsi que les deux avocats généraux l’ont sollicité. Il est impensable que ce Marocain inculte et illettré ait pu inventer un scénario digne d’un polar, un crime parfait s’il ne s’était pas arraché un ongle en tirant sur la malheureuse, laissant son ADN près du cadavre ensanglanté.
Robot
Méziane Belkacem enchaîne, tel un robot : « M.Bissonnet m’avait assuré que le chien Pit ne serait pas là, qu’il l’amènerait avec lui à sa réunion du Rotary, afin qu’il n’aboie pas lors de ma venue, que l’allée extérieure menant au hall d’entrée serait éteinte, qu’il me laisserait l’arme du crime, un vieux fusil de chasse sur les poubelles situées entre la villa et la petite maison d’hôte cachée dans un drap blanc –Ndlr : que les gendarmes ont récupéré à cet endroit le soir des faits-, qu’il m’avait remis avant mon départ de la villa la télécommande du portail et le double de la clé du 4x4 de Mme Bissonnet que je devais abandonner 300 mètres plus loin, avec le fusil à l’intérieur, qu’une tierce personne viendrait le récupérer. Là, à l’angle de la rue de la Grenouillère et de l’Ovalie, un homme attendait, c’était le vicomte Amaury d’Harcourt, que j’avais vu pour la première fois l’après-midi des faits dans la ville. Il m’a été présenté par M.Bissonnet et tous deux m’ont montré dans le garage comment il fallait que je m’en serve. Ils m’ont dit que je devais tirer de près, en visant le cœur pour qu’elle meure. Avant de partir avec le fusil de chasse, le vicomte m’a demandé si ça c’était bien passé. Je lui ai dit que non, que ça c’était mal passé. Il ne m’a pas répondu, je pense qu’il n’a pas entendu ce que je lui ait dit, il a quitté les lieux pour aller jeter l’arme dans le Lez. M.Bissonnet m’avait aussi dit qu’il emporterait à son insu le téléphone portable de sa femme, pour qu’elle puisse me répondre, au coup de sonnette et qu’elle ne soit pas occupée avec une amie sur son portable. M.Bissonnet m’avait également demandé de venir cagoulé pour qu’elle croit à un cambrioleur, mais j’ai préféré baisser la capuche de ma parka. N’importe comment, quand elle a répondu à mon coup de sonnette, Bernadette Bissonnet a reconnu ma voix. M.Bissonnet avait fixé la date du contrat au 11 mars 2008, un mois et demi plus tôt. ».
Confusion
Autant d’éléments qui sont dans la procédure, étayés par la rigoureuse enquête des gendarmes. Comme cette réalité : Méziane Belkacem ne connaissait pas le vicomte Amaury d’Harcourt avant que Jean-Michel Bissonnet ne lui présente, l’après-midi de l’assassinat. Comment dès lors le vicomte et Méziane Belkacem auraient-ils pu inventer un scénario aussi machiavélique et diabolique en l’espace de quelques heures ? « Dans l’hypothèse où Bissonnet est innocent et victime d’un complot, si on l’enlève du puzzle, eh bien, il y a un trou énorme, il manque un maillon essentiel. Il n’y a plus de logique, il n’y a que des incohérences et des invraisemblances au regard des éléments contenus dans le dossier. On ne peut pas dissocier Bissonnet des deux autres co-accusés » assurent Jean-Robert Phung et Luc Abratkewicz, les avocats du frère, du neveu et de la nièce de Bernadette Bissonnet. Reste que l’avocate des deux fils Bissonnet, Marc et Florent, ainsi que du papa de la victime -absent depuis l’ouverture des débats-, tous trois parties civiles insiste pour prouver l’innocence de Jean-Michel Bissonnet, en reprochant à Méziane Belkacem d’entretenir une confusion dans ses déclarations. « Quand les questions vous dérangent, quand vous êtes pris en flagrant délit de mensonges, vous faites mine de ne pas avoir bien compris la question ou vous répétez que vous n’avez plus aucun souvenir, c’est trop facile Mr Belkacem. Nous ne pouvons pas savoir, quand vous vous exprimez si vous dites la vérité ou si vous mentez. Certaines affirmations tenues depuis ce matin sont en totale contradiction avec ce que vous aviez déclaré en garde à vue et chez les juges d’instruction » s’agace Raphaëlle Chalié.
« Personne ne m’a menacé »
Les avocats de Bissonnet vont tirer à boulets rouges sur Méziane Belkacem, notamment Henri Leclerc, convaincu que « M.Belkacem cache beaucoup de choses, qu’il protège quelqu’un, car rien ne colle dans ses déclarations. Ce n’est qu’un tissu de mensonges. Exemple : en garde à vue, il a décrit dans ses moindres détails le fusil de chasse, eh bien que nous dit-il là : qu’il ne se rappelle plus comment il était ! ». Debout dans le box, Méziane Belkacem est formel : « Je ne protège personne, pas le vicomte Amaury d’Harcourt comme certains le pensent, même si quand M.Bissonnet me l’a présenté l’après-midi des faits, il m’a prévenu que c’était quelqu’un de dangereux, qu’il était des services secrets. Depuis, il ne m’a jamais menacé, jamais. Ce que vous dis depuis ce matin est la vérité. J’ai menti, oui, en garde à vue, oui, je n’ai jamais évoqué la présence du vicomte dans le contrat, mais c’était parce que j’avais peur, M.Bissonnet me l’avait dit. Je ne suis pas ici pour accuser un innocent, j’explique ce qui s’est passé, c’est M.Bissonnet qui m’a demandé de tuer sa femme pour s’en débarrassé, j’ai eu pitié de lui». Répondant à une question concernant l’épisode du maniement de l’arme dans le garage, Méziane Belkacem a révélé que « nous étions réunis tous les trois, en l’absence de Mme Bissonnet partie faire des courses, le vicomte m’a montré comment on se servait du fusil de chasse et M.Bissonnet était allongé au sol, il faisait le mort. Ils m’ont expliqué que je devais l’achever à terre, au cas où elle ne serait pas morte après le premier coup de feu. C’est ce que j’ai fait. Quand Mme Bissonnet a vu l’arme, elle a mis ses deux mains devant et a crié Maman »…
Jean-Marc Aubert
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire