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13 janv. 2011

Procès : le vicomte accable à son tour Bissonnet

Eprouvant marathon judiciaire ce jeudi devant la cour d'assises pour le vicomte Amaury d'Harcourt, 85 ans assis dans un fauteuil, au pied de la grande table qui recèle les scellés. Dans un carton, il y a le fusil de chasse de calibre 16 à canons juxtaposés et sciés. L'arme utilisée par Méziane Belkacem, le 11 mars 2008 vers 21h pour tuer Bernadette Bissonnet, dans la villa de Castelnau-le-Lez. L'aristocrate est formel : "J'ai jeté le fusil dans le Lez, comme Jean-Michel Bissonnet me l'avait dit, après l'avoir récupéré caché dans une housse de raquettes de tennis, dans le 4x4 de Mme Bissonnet, abandonné par Belkacem, à 300 mètres de la villa. M.Bissonnet m'a expliqué comment on allait vers le Lez directement, en traversant Castelnau. Je suis arrivé sur la petite route, je me suis garé le long des berges, entre un lampadaire, un gros arbre et un panneau de limitation de vitesse, j'ai tout balancé dans l'eau". L'avocat général Pierre Denier précise que "deux mois plus tard, alors qu'il est en garde à vue dans l'Yonne où il réside, M.D'Harcourt a dessiné avec une précision chirurgicale l'endroit exact avec tous  ces détails. D'ailleurs, c'est sur ses indications que l'arme du crime sera repêchée". Mais l'avocat général doute de cette version : "Vous ne connaissiez pas cet itinéraire, êtes-vous sûr que dans l'après-midi, M.Bissonnet ne vous l'a pas montré, notamment quand vous êtes allés acheter une veste polaire du côté de Mauguio ?". Le vicomte : "Non, non".


"Rendre service"


Amaury d'Harcourt subit un interrogatoire serré des avocats sur sa présence dans la propriété, le jour des faits : "La veille, je devais aller à Chartres, M.Bissonnet m'a téléphoné, il m'a demandé de descendre d'urgence à Montpellier pour lui rendre un service, j'ai quitté Auxerre en voiture, je suis arrivé à Castelnau vers 16h. M.Bissonnet m'a présenté à Méziane, laveur de carreaux depuis cinq ans, un homme de confiance. Mme Bissonnet était absente. A 17h, nous sommes partis tous les deux acheter la veste polaire. J'ai su après que dans le plan échaffaudé par M.Bissonnet, elle m'a servi pour prétexter mon départ du dîner de chez mes amis de Saint-Clément-de-Rivière. De retour à la villa, nous sommes allés dans le garage, nous avons demandé à Méziane de venir. Jean-Michel Bissonnet a sorti le fusil, il m'a dit de montrer à Méziane comment on s'en servait pour le charger, le tenir en main, où tirer pour tuer. M.Bissonnet s'est allongé pour faire le mort, à la place de sa femme, Méziane a mimé les tirs". C'est à ce moment là que le vicomte comprend qu'il va être mêlé à un assassinat en rendant service à son "vieil ami de quarante ans", en jetant l'arme dans le Lez : "M. Bissonnet m'avait parlé d'un simulacre de cambriolage, Méziane Belkacem devait venir dans la villa cagoulé et armé pour obliger Mme Bissonnet à lui donner 18.000 euros cachés dans un tiroir de table, 650 euros dans son sac à main et deux lingots d'or dans un coffre. Il n'était pas question de la tuer. Ce n'est que vers 18h30, c'est à dire deux heures et demi avant l'exécution du plan que j'ai réalisé : en réalité, c'était l'assassinat de Mme Bissonnet qui était programmé, vu cette scène préparatoire exécutée dans le garage, à l'intiative du mari". Le vicomte s'en veut : "Jusqu'à la fin de mes jours, je ressasse ça, j'aurai dû prévenir les gendarmes pour empêcher ça, un assassinat, c'est contraire à mon éthique".


Belkacem se blesse


Amaury d'Harcourt semble fatigué et usé. Il répond aux multiples questions des uns et des autres depuis le matin. Le président doit interrompre les débats à trois reprises pour qu'il retrouve ses esprits. D'ailleurs, l'interrogatoire doit s'achever à 18h15, le vicomte étant dans l'impossibilité de répondre. Son interrogatoire reprendra vendredi matin, avant celui de Jean-Michel Bissonnet. C'est lors d'une suspension qu'en sortant des toilettes, Méziane Belkacem se blesse sans gravité en tapant une porte avec la tête. Involontairement. Il regagne le box des accusés un pansement sur l'arcade sourcilliaire gauche. On l'interroge sur ses accusations faites en garde à vue. L'avocat général Georges Guttierez veut savoir s'il confirme avoir assuré que "depuis cinq ans avant les faits, Jean-Michel Bissonnet me répétait souvent qu'il en avait marre de sa femme, qu'elle l'emmerdait, qu'elle lui pourrissait sa vie, qu'il ne savait pas comment s'en débarrasser". Le vicomte confirme du bout des lèvres. Comme il ne contredit pas Jean-Robert Phung, un des avocats du frère, du neveu et de la nièce de Bernadette Bissonnet, lorsqu'il lui fait remarquer que "M.Bissonnet a également tenu de tels propos à des compagnons de chasse et à des amies". "Oui, je confirme, on me l'a répété" lâche l'artistocrate.


Embastillement


Un des défenseurs de Bissonnet, Henri Leclerc se dit surpris : "M.D'Harcourt, vous avez aussi déclaré en garde à vue et devant les juges d'instruction que M.Bissonnet était fou amoureux de sa femme, qu'à votre connaissance il n'y avait eu qu'une ou deux grosses disputes. Je voudrais savoir quand vous dites la vérité et quand vous mentez. Pourquoi vous mentez, alors que vous répétez être ici pour soulager votre conscience, pour dire la vérité ?". Le vicomte réfléchit un peu et lance : "Je n'ai aucun intérêt à mentir, disons que Jean-Michel Bissonnet était capable de faire l'amour à sa femme tous les matins et de vouloir la tuer le soir même". L'image d'un couple idyllique présentée par les fils Bissonnet et les membres du comité de soutien pour l'innocence du mari s'écorne tous les jours depuis le début du procès. Pour le vicomte Amaury d'Harcourt, "M.Bissonnet avait l'intention de divorcer, il me l'avait dit, mais que dans cette hypothèse, il perdrait la villa de Castelnau, or, il me disait que c'était son paradis. Je pense que c'est le mobile, je n'en vois pas d'autre". Libre depuis sa mise en examen en mai 2008 pour des raisons de santé, le vicomte Amaury d'Harcourt est lucide quant à son rôle joué dans ce trio diabolique. Pas question de fuir ses responsabilités. Il sait que le verdict sera synonyme d'embastillement.

Jean-Marc Aubert

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