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7 févr. 2011

17h25 : Jean-Michel Bissonnet quitte le box et refuse d'assister au procès

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, LUNDI 7 FEVRIER 2011, VINGTIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNE, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Le coup de théâtre est arrivé, inattendu, brutal, en fin de journée. Luc Abratkewicz, une des parties civiles pour Jean-Pierre Juan, le frère de Bernadette Bissonnet, (ainsi que sa femme Dominique, son neveu et sa nièce) a commencé sa plaidoirie depuis vingt-cinq minutes à peine, quand Jean-Michel Bissonnet se lève brusquement de sa chaise, dans le box vitré, en tapant de ses mains sur un rebord et en hurlant : "Putain, c'est pas possible ces conneries. Monsieur le président, je ne peux plus entendre tout ça, je vous en prie, laissez moi partir". Joël Mocaer le somme de se calmer et "de respecter la partie civile". L'accusé en pleurs : "Je ne peux pas écouter tous ces mensonges, je veux sortir". Le président : "N'interrompez plus la partie civile". Bissonnet, excité : "Je ne peux plus écouter des saloperies pareilles, je m'en vais". Et de joindre le geste à la parole : il est 17h25 quand il quitte le box, non sans lancer une phrase qui n'est certainement pas tombée dans l'oreille d'un sourd, du côté de ceux qui le croient coupable d'avoir commandité l'assassinat de sa femme : "J'ai déjà foutu ma vie en l'air avec tout ça"...Nombreux sont ceux qui y voient un demi-aveu maladroit : est-ce qu'un innocent déclarerait avoir foutu sa vie en l'air ? C'est que Luc Abratkewicz appuyait là où ça fait mal. Dès le début de sa plaidoirie, il a mis l'accent sur "le calvaire enduré depuis trois ans par Jean-Pierre Juan et sa famille par les Bissonnet qui voulaient leur imposer leur stratégie, c'est à dire de soutenir l'innocence de Jean-Michel Bissonnet. Le frère de Bernadette a refusé de se ranger avec eux, il est venu défendre sa petite soeur sans haine, ni vengeance, dès qu'il a compris que Jean-Michel Bissonnet était coupable. Jean-Pierre et Dominique Juan ont des certitudes à travers un dossier qui est loin d'être vide. Et ils ont eu dès le soir des faits la conviction que vous étiez suspect". Me Abratkewicz venait de commencer par énumérer tous les détails accablants pour le mari, quand il a quitté le box pour, désormais refuser d'assister au procès. Debout face à lui, la main gauche pointée vers son visage, l'avocat s'est étonné : "Mr Bissonnet, comment pouviez-vous savoir la nuit des faits que le vicomte Amaury d'Harcourt était passé quelques heures plus tôt sur les lieux pour récupérer sa veste polaire oubliée dans la villa de la Grenouillère ? C'est ce que vous avez pourtant dit à Jean-Pierre Juan et à son épouse dans leur voiture qui vous ramenait chez eux, après votre déposition à la gendarmerie. M.et Mme Juan sont formels". Me Abratkewicz attend toujours la réponse. Il a repris sa plaidoirie tard ce soir, après qu'un huissier de justice mandaté par le président de la cour d'assises ait constaté l'absence de Jean-Michel Bissonnet dans le box. Son confrère, Jean-Robert Phung qui devait lui succéder plaidera demain matin, avant les réquisitoires des avocats généraux Georges Guttierez et Pierre Denier. Encore une sale journée pour le mari...
Du petit lait
Jean-Michel Bissonnet buvait du petit lait depuis le matin : ses deux fils, Marc et Florent, bouleversants de vérité et de sincérité dans leur terrible détresse sont venus, en larmes répéter qu'il était impensable que leur père ait fait tuer leur mère. Accrochés à la barre, les enfants ont défendu leur père jusqu'au bout. Ils ont eu des mots très durs envers les gendarmes, les juges, les procureurs, les journalistes et les avocats du frère de leur mère. Marc Bissonnet : "J'ai un profond dégoût pour ces gens-là, ils ont fabriqué un coupable, mon père, sans la moindre preuve. Quelle honte pour la justice de notre pays". Florent Bissonnet : "Nous sommes au fond du trou, comme papa. Qu'on nous apporte une preuve qu'il soit dans le coup, qu'il ait fait tuer maman et nous demanderons une peine exemplaire. En attendant, nous voyons celui-là boire des cafés, rire avec ses amis, libre de ses mouvements (Ndlr : il fusille du regard le vicomte Amaury d'Harcourt). Regardez-le assis tranquillement sur son fauteuil, c'est scandaleux. Il n'a jamais fait un jour de prison. Pourquoi ? hein, pourquoi ? Il a monté le complot avec Belkacem pour se venger de notre mère. Le complot monté par ces deux-là, on y croit". Les enfants de Jean-Michel Bissonnet, carbonisés jusqu'à la fin de leur vie ont parlé avec leur coeur, dans un silence de cathédrale.
"Vous pouvez voter blanc"
Leur avocate, Raphaëlle Chalié prend la parole, au nom également de Pierre Juan. Paradoxalement, le père de Bernadette croit en l'innocence de son gendre. Un père très âgé, qui vient de subir l'opération d'une hanche et qui est le grand absent du procès. Il se dit que Pierre Juan a été très ébranlé par l'épisode de la tentative de subornation de témoins reprochée à M.Bissonnet et qui avait entraîné le report du premier procès...Mais les Bissonnet vous diront que c'est faux ! Me Chalié fixe Méziane Belkacem, tête baissée dans le box : "Vous avez raison, Mr Belkacem, baissez les yeux. Qui êtes vous ? Etes-vous crédible ?". L'avocate qui a indéniablement déblayé le terrain pour ses trois collègues de la défense du mari noircit l'image de cet Algérien de 53 ans, qui depuis les faits endosse le pire des crimes : l'assassinat d'une femme innocente : "Vous avez menti en taisant la participation du vicomte pendant deux mois. Vous avez encore menti quand vous avez donné une fausse position des deux tirs sur la victime, lors de la reconstitution. Où étiez-vous le soir des faits entre 18h45 et 19h50 ? Avec Amaury d'Harcourt pour monter votre plan diabolique ?". Me Chalié ne ménage pas le vicomte : "Vous aussi, vous avez multiplié les mensonges : un jour, vous dites gris, le lendemain, blanc et puis noir. Belkacem et vous avez intérêt à mentir pour accabler M.Bissonnet. Et vous aviez un mobile commun : l'argent. M.Belkacem voulait 5 000 euros pour acheter une voiture, vous, Mr Amaury d'Harcourt, vous aviez demandé 30.000 euros à M.Bissonnet, Bernadette avait dit non. Vous vous êtes vengés".
"Avec les étrennes de Bernadette"
Au terme de deux heures d'une démonstration hasardeuse et tortueuse pour "extraire" du puzzle criminel le mari, Raphaëlle Chalié se tourne vers les jurés : "Vous pouvez voter blanc, si vous avez un doute, votez blanc". Jean-Michel Bissonnet écoutait sagement, jetant de temps en temps des regards vers une salle comble, avec aux premiers rangs les amis du comité de soutien et du Rotary-Club. Mais, c'était sans compter sur Luc Abratkewicz, qui est venu ébranler ces moments favorables que le mari savourait. Bissonnet qui a horreur d'être mis en difficulté a craqué. Et l'avocat a terminé sa plaidoirie, sans Jean-Michel Bissonnet dans le box. "Je vous ai parlé du détail de la venue du vicomte devant la villa le soir des faits, que M.Bissonnet ne pouvait connaitre que s'il est impliqué. Voici cet autre détail qui trahit encore un peu plus M.Bissonnet : comment Méziane Belkacem pouvait-il savoir que le chien Pit serait absent de la propriété ce soir-là ? On sait qu'il aboyait quand il entendait le déclic du portail qui s'ouvrait. Et comment le laveur de carreaux savait-il que M.Bissonnet téléphonerait à sa femme à 20h pour l'informer que le chien était monté dans son 4x4 à son insu, ce qui s'est révélé exact ? Il l'a déclaré dans sa déposition aux gendarmes, un seul acteur pouvait lui dire : M.Bissonnet". Et Me Abratkewicz de porter l'estocade : "Les 30.000 euros que Jean-Michel Bissonnet avaient promis de donner à Méziane Belkacem pour ce contrat, eh bien, c'étaient les étrennes de Bernadette. A Noël, son père, Pierre Juan lui avait offert 30.000 euros"...Jean-Michel Bissonnet était déjà en route pour la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. On saura demain matin s'il accepte de revenir devant la cour d'assises.
Jean-Marc Aubert

4 commentaires:

Damien a dit…

On s'y croirait!

J'avoue que la plaidoirie de Me Abratkiewicz avait une autre tenue que celle de Me Challié!

Merci encore, à demain.

Cordialement

Samien

Anonyme a dit…

L'accumulation des constats accablant M. BISSONNET paraît suffisante pour qu'il ne s'accable lui-même par des gesticulations vraiment inappropriées : quant on est innocent, on écoute attentivement pour trouver la faille du raisonnement adverse et s'en emparer. Se boucher les oreilles ou fuir, c'est se reconnaître coupable...
Merci pour vos comptes-rendus en tous points remarquables.

Anonyme a dit…

C'est trés bien commenté avec les points importants, MAIS avec 12H de retard sur le temps réel du tribunal.
Suggestion pourquoi ne pas avoir mis un MICRO dans une salle du tribunal, avec un transfert sur le site Web en audio; Et là il y aurait du monde.
Mais c'est peut-être interdit?

La Mouette a dit…

Il est, hélas interdit de diffuser en direct les audiences d'une cour d'assises avec du matériel audio. L'AggloRieuse est le seul média d'ici à publier un compte-rendu du procès le soir même sur un blog (les articles sont publiés dans les quotidiens locaux et nationaux que le lendemain), ça vaut bien le coup d'attendre le soir !!