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6 févr. 2011

Pourquoi la version de Jean-Michel Bissonnet n'est pas crédible

Cette fois, le procès des trois accusés de l'assassinat de Bernadette Bissonnet devrait aller à son terme, contrairement au premier, interrompu au cinquième jour d'audience, à la fin de l'année dernière sur un coup de théâtre : un ex-taulard avait révélé que Jean-Michel Bissonnet, le mari de la victime avait voulu le soudoyer pour qu'il accable le vicomte Amaury d'Harcourt. Au premier procès, contre rémunération (1000 euros par mois promis), Dominique P., un escroc notoire ayant partagé la cellule de M.Bissonnet devait venir dire à la cour d'assises, que l'aristocrate octogénaire était en réalité le commanditaire de l'assassinat, le soir du 11 mars 2008, dans la villa huppée de Castelnau-le-Lez. Mais, l'ancien co-détenu s'est vengé et a dénoncé le projet du mari, entraînant le départ des premiers avocats de la défense et le renvoi du procès au 10 janvier. C'est pourtant cette thèse du complot ourdit par le vicomte et Méziane Belkacem que les trois avocats de Jean-Michel Bissonnet vont développer pour plaider l'acquittement. Avec l'aide de Raphaëlle Chalié qui, portant la parole des deux fils du mari ne cesse depuis le début du procès de voler à son secours, lorsqu'il est en difficulté. Dans son box, Jean-Michel Bissonnet, tantôt calme, tantôt énervé, s'est entêté durant quatre semaines à convaincre les trois magistrats et les neufs jurés de son innocence. Or, cette version n'est pas crédible. Voici pourquoi.
Inconnus
Les débats ont prouvé matériellement et scientifiquement que le vicomte Amaury d'Harcourt et Méziane Belkacem, le laveur de vitres embauché depuis cinq ans par les Bissonnet ne se connaissaient pas. Au terme d'une enquête exemplaire, les gendarmes (section de recherches de Montpellier et brigade de recherches de Castelnau-le-Lez) ont formellement établi l'absence de tout contact les six mois ayant précédé les faits : ni échange d'appel téléphonique sur les mobiles ou sur des postes fixes, aucune rencontre physique. La première fois que le vicomte a croisé Méziane Belkacem, c'était l'après-midi des faits, dans la propriété des Bissonnet, en présence du mari. Et à son initiative pour révéler à Amaury d'Harcourt que le laveur de carreaux allait tuer son épouse le soir même, pendant qu'il participait à une réunion du Rotary-Club à Montpellier. M.Bissonnet aurait demandé à son vieil ami de quarante ans de montrer le maniement de l'arme du crime, un vieux fusil de chasse à canon scié, à Méziane Belkacem et de lui montrer l'endroit où il fallait tirer pour tuer. Le trio aurait mimé la scène dans le garage de la propriété, en l'absence de Bernadette Bissonnet, partie faire des courses. La reconstitution de la journée du 11 mars 2008 faite à l'audience par un président méticuleux a d'ailleurs établi que le vicomte et M.Belkacem n'ont pu se trouver seuls et se parler que quatre minutes, comme d'ailleurs l'a confirmé Jean-Michel Bissonnet. "Il est quasiment impossible que les deux hommes aient pu inventer un plan diabolique en quatre minutes" assurent Jean-Robert Phung et Luc Abratkewicz, parties civiles pour le frère de Bernadette. Jean-Pierre Juan est venu dire à la barre que "la vérité, c'est celle de Méziane Belkacem".
Mensonges
Jean-Michel Bissonnet a accumulé les mensonges, dont le dernier est lourd de sens : tant lors de l'instruction, que depuis le début du procès, le mari a toujours maintenu qu'il n'avait jamais appelé le vicomte le dimanche 9 mars pour lui demander de descendre en urgence de son château de l'Yonne pour lui rendre un service, comme Amaury d'Harcourt l'a toujours déclaré. Alors qu'il avait prévu de se rendre à Chartres le 12 mars, Jean-Michel Bissonnet lui a téléphoné pour le faire venir à Castelnau, la veille. Le 10 mars au soir, le vicomte avait donc quitté l'Yonne pour se rendre dans le sud, sans savoir quel service il devait lui rendre. Grâce au décrytage de la téléphonie (6500 heures d'écoutes et d'échanges de sms), le président Joël Mocaer a pris en défaut le mari : le 9 mars 2008, il a bien téléphoné à Amaury d'Harcourt, de 14h01 à 14h06. Cinq minutes de conversation. Or, cet appel a été passé du téléphone fixe d'un restaurant de Ferrières-les-Verreries (Hérault), au nord du pic-Saint-Loup, ce qui a déclenché le relais de Lasalle (Gard) et non d'un mobile. Ce dimanche-là, M.Bissonnet déjeunait dans ce restaurant avec Bernadette et deux couples d'amis...Le piège s'est refermé sur lui, à une semaine du verdict. Interrogé sur la raison d'avoir appelé depuis un poste fixe, Jean-Michel Bissonnet a expliqué que dans ce coin isolé, les réseaux des téléphones mobiles ne fonctionnaient pas. Pas de chance : l'analyse de la téléphonie atteste que dans le même créneau horaire, M.Bissonnet avait été destinaire d'appels sur son portable et qu'il avait bien conversé avec ses interlocuteurs. La cinquième et dernière semaine du procès débutera ce lundi matin à 10h par les plaidoiries des parties civiles et celle de l'avocate de Florent et de Marc Bissonnet. Ils ont perdu leur mère dans des circonstances épouvantables, ils sont marqués à vie. On comprend qu'ils refusent d'admettre le pire des scénarios. Ils ne veulent pas perdre leur père.
Jean-Marc Aubert

2 commentaires:

Damien a dit…

Beau résumé des points irréfutables.


Me Leclerc qui vient encore à l'instant sur FR3/L-R de clamer l'innocence de son client, l'enquête des gendarmes mal faite et tous les autres arguments classiques, va avoir du mal en plaidant l'acquittement!

Le procès de trop?

Cordialement

Damien

mcb a dit…

Excellente analyse, Monsieur Aubert. Si vous rajoutez à cela le "je suis cuit" alors que la réaction normale et attendue aurait dû être "ils ont trouvé le coupable, je vais être libéré !", si vous brossez le portrait de cet homme qui traite le monde entier de menteur, qui crie au complot, qui s'énerve, mais reste de marbre à quelques mètres du tueur de sa chère épouse, nous aurons un tableau complet de cet homme tellement enfermé dans son personnage qu'il ne peut que nier, nier, nier encore. Son seul atout est le manque de preuves concrètes contre lui, mais depuis quand les commanditaires laissent-ils derrière eux des preuves concrètes ?
J'attends avec impatience votre compte rendu des réquisitoires et de la défense. Merci pour vos articles.