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4 févr. 2011

Méziane Belkacem : "M.Bissonnet m'a dit que Bernadette voulait divorcer"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, VENDREDI 4 FEVRIER 2011, DIX-NEUVIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.


Méziane Belkacem n'a pas eu la vie flamboyante du vicomte Amaury d'Harcourt, ni celle dorée de Jean-Michel Bissonnet. Cet Algérien de 53 ans, père de cinq enfants issus de deux mariages détone dans ce trio improbable, jugé pour l'assassinat de Bernadette Bissonnet : analphabète, illetré -même s'il a progressé en détention, à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelmone où il suit des cours de français-, cet ouvrier n'a jamais roulé sur l'or. Pour boucler les fins de mois afin de nourrir sa petite famille, Méziane Belkacem multipliait les boulots en CDD : saisonnier agricole à Pérols, ouvrier à la Gazonnière de Saint-Laurent-d'Aigouze, près d'Aigues-Mortes, il faisait des "extras" et il était devenu le laveur de carreaux préféré du couple Bissonnet, dans la villa huppée de la Grenouillère, à Castelnau. Quand les Bissonnet faisaient appel à lui, il nettoyait les 400 m2 de baies vitrées, ça lui prenait trois jours. Il avait aussi travaillé chez Jean-Pierre Juan, le frère de Bernadette. Il séjournait chez son fils, Reynald qui habitait à deux pas de la place de la Comédie, à Montpellier. A l'époque des faits, ce fils de 25 ans était un sommelier irréprochable à "La Maison de la Lozère". Après les faits, Reynald Belkacem a trouvé un emploi à Londres. Mais, il n'a pas abandonné son père : en costard-cravate, retenant ses larmes, Reynald Belkacem est venu parler de lui, insistant sur l'éducation sans faille qu'il lui avait inculquée. Et il a répété que son père était un gros travailleur.
"Il ne prenait pas d'initiatives"
Tous ceux et celles qui ont bossé avec Méziane Belkacem l'ont confirmé, ne faisant que des louanges. Tous l'appellent Méziane. Alain P., 36 ans qui l'employait à Pérols : "Méziane était ponctuel, donnait un coup de main à ses collègues quand il terminait ses missions avant et il était d'une grande disponibilité, il n'hésitait pas à faire des heures supplémentaires. En cinq ans, je n'ai jamais eu à me plaindre de lui et j'avais envisagé de lui proposer un CDI en été 2008, malheureusement, il y a eu ce drame. Je ne le vois pas faire une chose pareille de son propre chef, il ne prenait pas d'initiatives. En revanche, n'importe qui avait de l'ascendance sur lui". Sandrine B., la comptable de la Gazonnière dit à la barre que "trois ans après les aveux de Méziane, j'ai encore beaucoup de mal à croire qu'il a fait tout ça, le jour où les gendarmes m'ont informé de son arrestation et de ce qui lui était reproché, je leur ai dit, mais, vous vous trompez pas de Méziane ?". Patrick V., Florian V., Florian F se succèdent et unanimes décrivent un collègue de travail "très calme, jamais énervé, acharné au boulot, faisant de l'humour".
Taciturne
Quand le président Joël Mocaer leur signale qu'ils ont évoqués un changement de comportement les semaines ayant précédé les faits, ils confirment : "Il souriait moins, il était devenu taciturne, il nous disait qu'il était en instance de divorce, il avait quitté sa femme et ses enfants à Nîmes et il habitait seul dans un hôtel proche d'Avignon, il avait des soucis d'argent, il n'avait pas les moyens d'acheter une Laguna d'occasion qui lui plaisait, elle coûtait dans les 5 000 euros". Pourtant, Belkacem avait confié au vendeur de cette voiture "qu'il lui donnerait l'argent en liquide". C'était deux jours après l'assassinat de Bernadette Bissonnet..."Il m'avait téléphoné, oui, pour me demander de passer le contrôle technique, puis, il a été arrêté" se souvient le témoin. Dans l'immeuble de Nîmes où il a croisé régulièrement pendant huit ans sa voisine de palier, Claudine B., il était apprécié pour sa discrétion et son amabilité. Toutefois, le président fait remarquer à Mme B. qu'il lui avait fait des avances. Embarrassée, Mme B. confirme du bout des lèvres : "Après sa séparation, un jour, il est venu retirer du courrier, il m'a clairement fait des avances, j'ai refusé, j'ai un ami". Le président : "Mais, vous avez donné votre numéro de mobile à M.Belkacem, je sais, c'est inconfortable, mais la cour veut savoir". Très gênée, Claudine B. consent "lui avoir donné son portable pour qu'ils discutent ensemble de sa grande détresse, M.Belkacem était perdu, c'était pour l'aider".
"Plan infaillible"
L'enquêtrice de personnalité, les experts psychologues et psychiatres racontent comment Méziane Belkacem analyse son implication dans l'assassinat et fournit donc le mobile : "Il nous a dit que depuis plusieurs mois avant les faits, lorsqu'il l'invitait à boire le café dans la villa, Jean-Michel Bissonnet lui parlait de ses problèmes conjugaux. Un jour, je lui ai parlé de ma séparation avec ma deuxième femme vivant à Nîmes, qu'elle demandait le divorce et il m'a dit que sa femme voulait aussi divorcer. M.Bissonnet a ajouté qu'en cas de divorce, il perdrait tout et surtout sa maison, c'était son paradis". Belkacem confirme. Et précise : "En février 2008, il m'a dit c'est pour le 11 mars, tu verras, c'est pas Georges Frêche que tu devras buter. J'ai appris que c'était Mme Bissonnet que quelques jours avant, je lui ai dit que je ne prendrais l'argent promis, 30.000 euros qu'après mon geste, car je n'étais pas sûr d'exécuter le contrat. Le matin des faits, il m'a montré une liasse de gros billets. Il m'a recommandé de m'enfuir en Algérie avec l'argent. Je me rappelle très bien que M.Bissonnet m'a dit que son plan était infaillible". L'avocat général Georges Guttierez est intéressé par l'emploi de cet adjectif : "Est-ce qu'un analphabète et un illetré peut connaître ce mot et sa signification ?". Sous entendu, Méziane Belkacem n'a pas pu l'inventer, en rapportant fidèlement les propos de M.Bissonnet.
"Le diable a gagné
Son collègue de l'accusation, l'avocat général Pierre Denier veut savoir quelle est la pratique religieuse de l'accusé : "Je suis musulman, je fais la prière cinq fois par jour". Pierre Denier : "Le coran reprend les préceptes de la Bible, dont "tu ne tueras point". Alors, comment expliquez vous ce passage à l'acte ? Belkacem : "Avec le recul, je me suis fait manipuler, mais il faut payer pour ce qu'on a fait. J'assume tout, je n'ai pas à pleurer sur mon sort, je dois dire la vérité, toute la vérité en mémoire pour Mme Bissonnet, elle était gentille et pour ses fils, qui souffrent. On se bat toujours avec le diable, ce jour-là je me suis détourné de son chemin et le diable a gagné". Méziane Belkacem aurait pu faire carrière dans l'armée, comme son père, un harki qui a combattu pour la France : "J'ai fait mon service militaire chez les parachutistes, mais ça m'a pas plu, je pliais les parachutes, j'ai jamais sauté. Et je n'aimais pas me servir des armes, lorsque je tirais, je ratais toujours les cibles". C'est ce qui explique qu'en tirant sur Bernadette Bissonnet, il s'est blessé au pouce gauche, en le plaçant très maladroitement sur le canon du fusil de chasse. Peut-être parce qu'il n'a pas eu le courage de regarder la malheureuse. Méziane Belkacem était à deux doigts de réussir le crime parfait, planifié de bout en bout par le mari de la victime, comme il l'a asséné une nouvelle fois. Sans que Jean-Michel Bissonnet ne s'agite dans le box...
Jean-Marc Aubert

CINQUIEME ET DERNIERE SEMAINE : Dernière ligne droite de ce procès, à partir de lundi avec les plaidoiries des avocats (défense et parties civiles) et des réquisitions des avocats généraux. Verdict peut-être mercredi soir, sinon jeudi. A LIRE ICI DES DIMANCHE SOIR, L'ANALYSE DE CES QUATRE SEMAINES D'AUDIENCES.

3 commentaires:

Damien a dit…

Week-end studieux pour vous donc ;-), alors que nous avons un si beau soleil!


Je me suis permis de mettre l'info sous le dernier billet de PRD/Monde, "Affaire Bissonnet, fin de partie".


Cela fait plaisir de voir le nombre de commentateurs sur le net qui font référence à vos billets et vous en sont gré.

Bon dimanche à vous.

Cordialement.

Damien

Anonyme a dit…

merci pour vos commentaires

La Mouette a dit…

Merci à vous, ça fait plaisir. Vraiment.