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10 févr. 2011

Henri Leclerc en sanglots : "On nous ment depuis trois ans"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, JEUDI 10 FEVRIER 2011, VINGT-TROISIEME ET DERNIERE AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Jean-Michel Bissonnet a abandonné ses trois avocats à leur sort. Comme ses deux confrères la veille, Henri Leclerc a plaidé l'acquittement du mari ce matin, devant un box où seul avait pris place Méziane Belkacem. Bissonnet est resté dans la salle de garde, dans les coulisses. Comme un acteur déchu...En cinquante-cinq ans de carrière, le ténor des prétoires a gardé le secret : a-t-il déjà défendu un accusé fantôme ? Jean-Michel Bissonnet a fait sa réapparition à l'issue de la plaidoirie de Me Leclerc, en fin de matinée, alors que la cour (le président, ses deux assesseurs, des juges professionnels et les neuf jurés) partait délibérer dans le secret absolu. Calme entre deux gendarmes de l'escorte, il répète qu'il est innocent : "Je suis un écorché vif, mais après tout ce que j'ai entendu, non...Je n'aspire qu'à une chose, retrouver mes enfants, je suis innocent". La parole est donnée à Méziane Belkacem : "J'ai dit tout ce que j'avais à dire, sinon à part d'exprimer de nouveau mes regrets à ceux que je fais souffrir, je n'ai rien d'autre à dire". Puis, au vicomte Amaury d'Harcourt : "Je vous fait toutes mes excuses pour ce que j'ai fait, mes regrets s'adressent à la mémoire de Bernadette et à ses deux enfants, j'avais une amitié profonde pour leur père qui m'a amené là". Le président Joël Mocaer invite l'octogénaire a suivre des policiers jusqu'au verdict. Il est 11h36, quand la cour part délibérer. L'accusation a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre le mari, vingt-cinq ans contre Belkacem, dix années contre Amaury d'Harcourt avec mandat de dépôt.
"L'accusation est bâtie sur du sable"
Henri Leclerc a donc porté en dernier la parole pour Jean-Michel Bissonnet. Emu jusqu'aux larmes, "sans doute parce que la vieillesse me gagne" murmure-t-il, Henri Leclerc sanglote quand il avoue "vouloir défendre cet homme contre tous ceux qui voudraient en faire un reclus de l'humanité, un monstre, un pervers et je veux surtout le défendre contre lui. Car, mesdames et messieurs les jurés, Jean-Michel Bissonnet est antipathique, soupe au lait, il hurle, il crie, il geigne, mais ce n'est pas pour ça qu'il est coupable. J'ai toujours entendu dire que ce sont les innocents qui se défendent le plus mal dans les cours d'assises". Il dit sa fierté de "défendre un homme dont je suis convaincu de son innocence devant cette foule venu voir un ténor comme on vient en voir à l'opéra. Je hais ça". Henri Leclerc félicite le travail de Georges Guttierez qui, au ministère public a géré la procédure : "Vous avez posé des questions pertinentes au cours de l'instruction". Mais, il sort ses griffes pour laminer l'avocat général Pierre Denier. Il pointe un doigt vers lui : "Vous, je ne vous permettrai pas de m'interdire de dire ce que je pense, ici, je suis libre de dire ce que je veux". Pour Henri Leclerc, "la vérité du jardinier est celle de l'accusation, mais la colonne s'effondre, car l'accusation est bâtie sur du sable. Cette vérité du jardinier, qui deviendra ensuite la vérité du vicomte, on les doit aux gendarmes qui, dès le début, dès le 11 mars au soir ont la certitude que le mari est coupable. Et cette conviction, les gendarmes vont en faire leur fil rouge durant l'enquête et l'instruction".
"Vingt versions"
Pour l'avocat de Jean-Michel Bissonnet, les vérités du jardinier et du vicomte sont fausses. Procès-verbaux en main, il distille les innombrables incohérences et contradictions dans les déclarations des deux accusateurs, Méziane Belkacem et Amaury d'Harcourt. "Ils ont changé vingt fois de versions, vingt fois, oui, vingt fois. Sur le scénario, ce soi-disant plan diabolique inventé par M.Bissonnet, sur la scène du garage, sur la housse de raquettes de tennis qui contenait le fusil de chasse, sur les horaires, sur leurs itinéraires. Tout sonne faux, ce ne sont que des mensonges. Depuis trois ans, Belkacem et d'Harcourt se défendent en accusant" s'énerve Henri Leclerc. Il hausse le ton, il tempête en agitant ses bras : "J'en ai assez d'entendre plaider que Méziane Belkacem est un pauvre Arabe, non, il est intelligent. Pourquoi ne parle-t-il pas lors de sa garde à vue de l'implication du vicomte ? Un jour il dit qu'il avait des gants pour tirer sur Mme Bissonnet, ici, il nous a dit qu'il n'en avait pas. Et aurait-elle ouverte et reçu dans la maison en l'absence de son mari un visiteur nocturne vêtu d'une parka, la tête dissimulée sous sa capuche et portant des gants blancs en caoutchouc aux mains ? C'est invraisemblable de le croire. Non, moi je vais vous le dire : il s'est passé autre chose dans la ville de la Grenouillère, on nous ment depuis trois ans". Avant de réclamer l'acquittement au bénéfice du doute, le ténor admet "n'avoir pas de mobile à proposer". Au terme de quatre heures de délibéré, la cour et les jurés ont retenu les mobiles avancés par l'accusation, les avocats du frère de Bernadette Bissonnet et des deux co-accusés : trente ans de réclusion criminelle pour le mari, vingt ans pour Méziane Belkacem et huit années pour Amaury d'Harcourt, menotté sur l'audience et emmené vers la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Au bord de l'évanouissement, Jean-Michel Bissonnet embarqué par deux gendarmes lâche : "Justice de merde". Assis dans leur fauteuil, ses deux fils, Marc et Florent sont ko.
Jean-Marc Aubert

9 févr. 2011

La défense de Jean-Michel Bissonnet : "Trop de plombs et trop de bourres"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, MERCREDI 9 FEVRIER 2011, VINGT DEUXIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Aux certitudes absolues longuement développées le matin par Iris Christol et son père, le bâtonnier Gérard Christol, les défenseurs de Méziane Belkacem, pour qui la culpabilité de son ex-employeur, Jean-Michel Bissonnet ne fait aucun doute, ont succédé l'après-midi les doutes du bâtonnier Frédéric Vérine, puis de Nathalie Sényk, deux des trois avocats du mari. Avant qu'Henri Leclerc ne s'exprime demain matin. Il plaidera l'acquittement au bénéfice du doute. Avec Jean-Michel Bissonnet assis dans le box ? Celui qui est jugé depuis un mois pour avoir commandité l'assassinat de sa femme a refusé ce matin d'assister au procès. Lapsus révélateur de celui que les parties civiles et l'accusation présentent comme un comédien, comme un acteur de cinéma ? Il a dit à l'huissier de justice venu lui faire signer la sommation interpellative, avant de repartir dans sa cellule : "Je ne me présente pas à cette séance"...Le bâtonnier Christol voit plutôt en lui "un écrivain qui a écrit ce scénario diabolique dans l'ombre, avec des distances pour ne pas y apparaître et laisser des traces, avec une victime, sa femme et deux guignols qu'il a manipulés. Voyez-vous, son objectif a presque été atteint : si le crime avait été parfait, il n'y aurait eu que Méziane Belkacem et le vicomte Amaury d'Harcourt ici. Comme depuis hier, il n'y aurait eu que deux accusés dans cette cour d'assises. Jean-Michel Bissonnet aurait été assis sur le banc des parties civiles entre ses deux fils. Mais, le laveur de carreaux s'est blessé en tirant sur Bernadette Bissonnet et ce plan de génie s'est écroulé". Dans une démonstration crédible, fouillée, ponctuée d'humour au point de déclencher des rires dans le public, Gérard Christol a écarté la thèse de la défense : "trois tirs sur Mme Bissonnet, peut-être deux tireurs, c'est exclu totalement, matériellement et scientifiquement". Ses confrères qui vont soutenir cette hypothèse pour sauver Bissonnet font la gueule, Henri Leclerc fusille du regard le vieux routier des prétoires. "45 ans ici et dans d'autres cours d'assises, où j'ai assisté à des choses qu'il était impensable de vivre la veille. Tout le monde disaient, non, ce n'est pas possible : une mère qui a étranglé ses trois petits, si, si. Une autre qui avait congelé son nourrisson, si, si. Et ce père qui violait sa fille depuis vingt ans, si, si. Et ce directeur d'auto-école en larmes qui tapait sur le cercueil de sa femme dans le cimetière et qui était confondu une semaine après : il avait maquillé son assassinat en accident, si, si. Alors, pourquoi un mari n'aurait pas commandité l'assassinat de sa femme ?" remarque Gérard Christol.
Divorce interdit
Le bâtonnier a trouvé le mobile : "Chez les Juan, il est interdit de divorcer. Jean-Pierre, le frère de Bernadette l'avait appris à ses dépens, son père, Pierre Juan lui avait tourné le dos, lui préférant depuis son remariage Bernadette et son gendre, Jean-Michel Bissonnet. Il ne pouvait pas divorcer de cette femme qu'il admirait, mais qui était dominatrice. Elle ne lui procurait pas de fantaisie, alors il allait sur les sites de rencontres pour pimenter sa vie. Quand on associe toutes les pièces du puzzle, on arrive à ce constat incontournable : M.Bissonnet a organisé l'assassinat de sa femme. J'ai fait un rêve : il suffirait d'un mot pour qu'il libère sa conscience". Auparavant, Iris Christol, dans une plaidoirie subjuguante et bouleversante a reconstitué l'itinéraire de Méziane Belkacem, contre lequel l'accusation a requis vingt-cinq ans de réclusion criminelle. Avec ses tripes, elle a raconté cet abandon à l'âge de trois ans par son père et sa mère en Kabylie, de son quotidien pénible chez ses grands parents qui le laissent à son triste sort, ses errances jusqu'à l'adolescence où il trime dur. "Il était seul sur son île déserte, il voulait construire un pont pour venir en France" note-t-elle. L'espoir de revoir son père, à l'âge de 19 ans en France se concrétise : "Méziane est arrivé à l'aéroport de Paris avec une valise, il a cherché son père, celui-ci ne l'a pas reconnu, ils se sont manqués. Méziane est resté cinq jours assis sur sa valise dans l'aérogare, avant qu'un policier ne le remarque. Le médiateur de la République a mis une semaine pour retrouver la trace de son père, qui avait changé de prénom. Mais, ça s'est mal passé, Méziane était trop envahissant. Il s'est marié, a eu un superbe fils, Reynald, vous pouvez être fier de vous M.Belkacem. Puis, il a divorcé, il s'est remarié, jusqu'à son deuxième divorce, quelques semaines avant les faits".
Pacte de sang
Iris Christol évoque "l'admiration sans borne que vouait Méziane Belkacem à Jean-Michel Bissonnet, qui, avant de laver les 400 m2 de baies vitrées lui offrait le café. Il lui parlait de sa réussite, Méziane était admiratif : la propriété des Bissonnet, la Grenouillère, c'était la plus grande de Castelnau, il n'y avait pas une maison, mais deux, la grande et la petite il n'y avait pas une piscine, mais deux, une dehors, l'autre à l'intérieur, il n'y avait pas une télé Plasma, mais deux. M.Bissonnet lui répétait qu'il allait l'aider. Et puis, dans les conversations banales autour du café, il lui a parlé de Bernadette, méchante, emmerdeuse, chiante, autoritaire, qui faisait chambre à part. Bissonnet a insisté sur ce huis clos insupportable. Il a armé Méziane Belkacem pour supprimer Bernadette, Méziane l'a fait pour lui, par pitié. Comme un pacte de sang que font les enfants". Pour la défense, tout sonne faux. Le bâtonnier Frédéric Vérine va s'attacher, procès-verbaux en main, à montrer que l'enquête des gendarmes n'a pas été aussi impartiale : "Certes, je ne vais pas jusqu'à dire qu'il y a de la forfaiture de leur part, non, mais, il est incontestable que les enquêteurs ont bâti leurs certitudes hâtivement sur la culpabilité de Jean-Michel Bissonnet. Des témoins dignes de foi sont quand même venus nous le dire ici". Et puis pour Me Vérine, peu convaincant, le couple Bissonnet filait le parfait amour : "Et le mobile ? Mais, il n'y en a pas. L'hypothèse Bernadette mante-religieuse, ça ne colle pas, la vente de la villa paradisiaque, ça ne tient pas. L'argent ? Il était trois fois plus riche que Bernadette".
"Y a pas de scène du garage"
Nathalie Sényk lui succède. Elle s'accroche à la thèse des trois coups de feu : "Belkacem ne nous pas tout dit, il a tiré deux cartouches, il a rechargé, ou après avoir tiré, un complice a achevé Mme Bissonnet, j'en suis convaincue". Et l'avocate de développer des comptages, des équations, des comparaisons, d'abreuver les jurés de chiffres. En résumé, en se basant énonce-t-elle, sur les rapports du médecin-légiste, du technicien en identification criminelle (Tic) de la gendarmerie, Patrick Gonzalès, "qui a réalisé un travail remarquable, exceptionnel" relève-t-elle au passage et des experts en balistique, il y a trop de plombs sur la scène du crime (130 environ) pour la thèse des deux tirs et il y a trop de bourres retrouvées sur les lieux, autour du cadavre de Bernadette Bissonnet. Me Sényk évoque également l'épisode du garage, le jour des faits en début de soirée. Selon Belkacem et le vicomte, Bissonnet aurait pris la place de la morte pour mimer la scène de l'exécution, pour montrer au laveur de carreaux le maniement du fusil de chasse : "Ils nous disent que ça s'est fait vers 18h30. Or, on sait que M.Bissonnet ne pouvait jamais être dans le garage à) cette heure-là, ni plus tard, car il consultait un site sur Internet. Y a pas de scène du garage, c'est une invention pour cacher la réalité du complot préparé par le vicomte et Belkacem". Comme Me Vérine, Me Sényk a martelé aux jurés : "Acquittez Jean-Michel Bissonnet". Une démonstration qui s'effondre, à cause de ce détail capital : si Jean-Michel Bissonnet est innocent, pourquoi a-t-il pris l'énorme risque de grimper au premier étage de la villa après avoir découvert le corps de sa femme, alors qu'il y avait des taches de sang frais sur les marches de l'escalier ? S'il est monté à l'étage pour enfermer le chien Pit dans une chambre, c'est qu'il savait que l'assassin n'y était pas et pour cause : en rentrant du Rotary, il avait remarqué l'absence du 4x4 de Bernadette dans la propriété. Dans le plan machiavélique, il était prévu que Méziane Belkacem reparte avec ce véhicule pour le garer 200 mètres plus loin, en laissant l'arme du crime sur un siège pour que le vicomte la récupère...Belkacem a respecté le plan à la lettre. Verdict demain après-midi.
Jean-Marc Aubert

8 févr. 2011

La réclusion criminelle à perpétuité requise contre Jean-Michel Bissonnet

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, MARDI 8 FEVRIER 2011, VINGT-ET-UNIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Cinq heures de réquisitions : les avocats généraux Georges Guttierez et Pierre Denier ont pris le temps pour asseoir l'accusation contre l'improbable trio, jugé depuis le 10 janvier pour leur implication dans l'assassinat de Bernadette Bissonnet, "une épouvantable exécution". Avec au bout des peines requises implacables : la réclusion criminelle à perpétuité contre Jean-Michel Bissonnet (sans fixer un seuil de sûreté dont le maximum est de 22 ans), vingt-cinq ans de réclusion contre Méziane Belkacem, dix ans avec mandat de dépôt contre le vicomte Amaury d'Harcourt, en liberté sous contrôle judiciaire depuis les faits. "J'aurai aimé lui annoncer mes réquisitions en face, je regrette qu'il ne soit pas là" a dit Pierre Denier, stigmatisant la fuite du mari, qui refuse d'assister au procès depuis mardi soir. Ce matin, il a été extrait de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, mais il s'est dérobé de nouveau, laissant Belkacem seul dans le box. Après qu'un huissier de justice ait constaté ce refus, il a été ramené en cellule. Selon les dires de ses avocats, il brillerait par son absence ce mercredi, mais accepterait de venir jeudi, pour un verdict attendu dans l'après-midi. Georges Gutteriez et Pierre Denier ont analysé, décortiqué, disséqué au millimètre près tous les mensonges, toutes les incohérences, toutes ces contradictions qui fourmillent dans les 35.000 feuillets de la procédure qui font de Jean-Michel Bissonnet, l'incontournable commanditaire de la froide exécution de sa femme. Des réquisitions méticuleuses, à l'image du plan diabolique inventé par le mari pour réussir le crime parfait, un scénario élaboré avec une précision chirurgicale. "Mais, il y a eu ce grain de sable, le tireur, Méziane Belkacem qui s'est blessé au pouce gauche en tuant la malheureuse. Il a laissé son sang sur la scène du crime et donc son ADN. Dès le soir du 11 mars 2008, en découvrant que son plan avait foiré, Jean-Michel Bissonnet a compris qu'il était cuit" a expliqué Pierre Denier. L'avocat général a mis l'accent sur "le coup de génie de Jean-Michel Bissonnet avec ce cloisonnement étanche entre ceux qu'il a décidé de manipuler, Belkacem, le laveur de carreaux qui a pitié pour son employeur qui lui raconte que Bernadette veut divorcer et le vicomte Amaury d'Harcourt, qui n'apprend le projet funeste que le soir des faits, découvrant en même temps l'existence du tueur, à qui il na parlé que quelques minutes à peine l'après-midi même, dans la propriété de la Grenouillère". Pierre Denier a regretté que "les deux hommes n'aient pas eu le courage de tout arrêter, que le vicomte n'ait pas alerté Bernadette de ce qui se tramait et que Belkacem ait achevé la victime, vivante après le premier coup de feu, puisqu'elle a essayé de se relever. Vous avez tiré le coup de grâce".
Cinq clés
D'une précision d'horloger, Georges Guttierez a qualifié "de vérité judiciaire l'implication de M.Bissonnet dans l'assassinat de son épouse". S'adressant aux jurés, il leur a demandé "de ne pas adhérer à la thèse du complot monté par le vicomte et Belkacem à l'insu du mari, c'est une fable inventée de toutes pièces par M.Bissonnet pour vous égarer". L'avocat général livre cinq clés : "La première, la subornation de témoins -le mari a tenté de soudoyer deux co-détenus pour faire accuser le vicomte- constitue la preuve évidente que Jean-Michel Bissonnet est capable d'élaborer dans les moindres détails un plan machiavélique. La deuxième, un plan B si ça se passe mal, faire porter le chapeau à l'Arabe de service comme il nomme Belkacem. C'est ce qu'il fait quand il découvre qu'il s'est blessé : il lance les gendarmes sur sa piste. La troisième clé, ce sont les aveux circonstanciés et détaillés du scénario dicté par le mari, il n'a pas pu inventer tout ça. La quatrième, l'impossible rencontre entre Belkacem et le vicomte qui, en quatre minutes le jour des faits n'ont pas pu monter un complot; et enfin, cinquième clé, la personnalité de M.Bissonnet, qui contient le secret du mobile de l'assassinat de sa femme : il faisait croire à tous, y compris à ses enfants qu'il était heureux, c'est faux, ce n'était qu'une idylle de cartes postales". Son collègue, Pierre Denier est allé plus loin : "Qu'on ne me dise pas que le couple filait le parfait amour, quand on sait que Jean-Michel Bissonnet multipliait les connexions sur des sites de rencontres sadomasochistes, fétichistes et homosexuels". Sur son fauteuil, Marc, le fils cadet du mari est chaud bouillant. Comme son frère Florent devra le calmer, lorsque Pierre Denier, debout face aux deux enfants évoquera les deux coups de téléphone passés le soir des faits par leur père : "Le premier était pour vous, l'autre pour Pierre Juan, le papa de votre mère. Ils sont appelés à 19h35, puis à 19h48 et vous savez pourquoi ? Parce que votre père s'assurait avant de partir au Rotary que ni vous, ni Pierre Juan ne téléphoneriez à votre mère plus tard, car ils risquaient de compromettre le scénario sordide. Et puis, ces coups de fil, c'étaient aussi et surtout un alibi. C'était de dire aux gendarmes, quand je l'ai quittée, Bernadette était en vie". Pour les avocats généraux, le mécanisme mis au point par Jean-Michel Bissonnet pour réussir le crime parfait est diabolique. "La défense va vous dire que le dossier est vide, qu'il n'y a pas une seule preuve. Vous en voulez des preuves. Tiens, deux parmi d'autres résument la culpabilité du mari : il a amené le chien Pit avec lui au Rotary et il a téléphoné à sa femme pour la prévenir. Ce détail capital est livré par Méziane Belkacem lors de sa garde à vue : comment pouvait-il le connaitre ? Ce n'est que début mai qu'on retrouvera l'arme du crime, sur les indications du vicomte : comment Jean-Michel Bissonnet pouvait-il savoir cinq jours après les faits, donc deux mois plus tôt que le fusil de chasse était à canon scié, comme il l'a écrit à son frère ?" assène Georges Guttierez.
"Le mobile, c'est le fric"
Avant l'accusation, au lendemain de la plaidoirie de son confrère Luc Abratkewicz, le redoutable pénaliste Jean-Robert Phung a longuement développé les éléments indiscutables qui sont à charge pour sceller le sort de Jean-Michel Bissonnet. Il parle "de l'inquiétant, de l'extravaguant, du geignard, du manipulateur, du menteur, du transformiste et du pervers, j'ai nommé Jean-Michel Bissonnet". Un mari prêt à tout pour s'en sortir, après le tir maladroit de Méziane Belkacem : "Vous vous rendez compte de quoi il est capable : pour soudoyer deux co-détenus afin qu'ils viennent accabler le vicomte lors du premier procès, Jean-Michel Bissonnet leur a procuré la photo de Bernadette". Aux yeux de Jean-Robert Phung, "le mobile, c'est le fric. Si Belkacem ne s'arrache pas l'ongle, c'est le crime parfait, Jean-Michel Bissonnet hérite de tout : de la villa de ses rêves, son paradis comme il le répète, des parts et des actions de Bernadette.". Mais, il a prévenu les jurés : "le code pénal vous demande de déterminer le meurtre, le préméditation et vous devrez d'ailleurs répondre à ces questions lors de votre délibéré, mais, le code pénal ne vous oblige pas à trouver de mobile pour condamner. Souvenez-vous en".
Jean-Marc Aubert

7 févr. 2011

17h25 : Jean-Michel Bissonnet quitte le box et refuse d'assister au procès

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, LUNDI 7 FEVRIER 2011, VINGTIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNE, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Le coup de théâtre est arrivé, inattendu, brutal, en fin de journée. Luc Abratkewicz, une des parties civiles pour Jean-Pierre Juan, le frère de Bernadette Bissonnet, (ainsi que sa femme Dominique, son neveu et sa nièce) a commencé sa plaidoirie depuis vingt-cinq minutes à peine, quand Jean-Michel Bissonnet se lève brusquement de sa chaise, dans le box vitré, en tapant de ses mains sur un rebord et en hurlant : "Putain, c'est pas possible ces conneries. Monsieur le président, je ne peux plus entendre tout ça, je vous en prie, laissez moi partir". Joël Mocaer le somme de se calmer et "de respecter la partie civile". L'accusé en pleurs : "Je ne peux pas écouter tous ces mensonges, je veux sortir". Le président : "N'interrompez plus la partie civile". Bissonnet, excité : "Je ne peux plus écouter des saloperies pareilles, je m'en vais". Et de joindre le geste à la parole : il est 17h25 quand il quitte le box, non sans lancer une phrase qui n'est certainement pas tombée dans l'oreille d'un sourd, du côté de ceux qui le croient coupable d'avoir commandité l'assassinat de sa femme : "J'ai déjà foutu ma vie en l'air avec tout ça"...Nombreux sont ceux qui y voient un demi-aveu maladroit : est-ce qu'un innocent déclarerait avoir foutu sa vie en l'air ? C'est que Luc Abratkewicz appuyait là où ça fait mal. Dès le début de sa plaidoirie, il a mis l'accent sur "le calvaire enduré depuis trois ans par Jean-Pierre Juan et sa famille par les Bissonnet qui voulaient leur imposer leur stratégie, c'est à dire de soutenir l'innocence de Jean-Michel Bissonnet. Le frère de Bernadette a refusé de se ranger avec eux, il est venu défendre sa petite soeur sans haine, ni vengeance, dès qu'il a compris que Jean-Michel Bissonnet était coupable. Jean-Pierre et Dominique Juan ont des certitudes à travers un dossier qui est loin d'être vide. Et ils ont eu dès le soir des faits la conviction que vous étiez suspect". Me Abratkewicz venait de commencer par énumérer tous les détails accablants pour le mari, quand il a quitté le box pour, désormais refuser d'assister au procès. Debout face à lui, la main gauche pointée vers son visage, l'avocat s'est étonné : "Mr Bissonnet, comment pouviez-vous savoir la nuit des faits que le vicomte Amaury d'Harcourt était passé quelques heures plus tôt sur les lieux pour récupérer sa veste polaire oubliée dans la villa de la Grenouillère ? C'est ce que vous avez pourtant dit à Jean-Pierre Juan et à son épouse dans leur voiture qui vous ramenait chez eux, après votre déposition à la gendarmerie. M.et Mme Juan sont formels". Me Abratkewicz attend toujours la réponse. Il a repris sa plaidoirie tard ce soir, après qu'un huissier de justice mandaté par le président de la cour d'assises ait constaté l'absence de Jean-Michel Bissonnet dans le box. Son confrère, Jean-Robert Phung qui devait lui succéder plaidera demain matin, avant les réquisitoires des avocats généraux Georges Guttierez et Pierre Denier. Encore une sale journée pour le mari...
Du petit lait
Jean-Michel Bissonnet buvait du petit lait depuis le matin : ses deux fils, Marc et Florent, bouleversants de vérité et de sincérité dans leur terrible détresse sont venus, en larmes répéter qu'il était impensable que leur père ait fait tuer leur mère. Accrochés à la barre, les enfants ont défendu leur père jusqu'au bout. Ils ont eu des mots très durs envers les gendarmes, les juges, les procureurs, les journalistes et les avocats du frère de leur mère. Marc Bissonnet : "J'ai un profond dégoût pour ces gens-là, ils ont fabriqué un coupable, mon père, sans la moindre preuve. Quelle honte pour la justice de notre pays". Florent Bissonnet : "Nous sommes au fond du trou, comme papa. Qu'on nous apporte une preuve qu'il soit dans le coup, qu'il ait fait tuer maman et nous demanderons une peine exemplaire. En attendant, nous voyons celui-là boire des cafés, rire avec ses amis, libre de ses mouvements (Ndlr : il fusille du regard le vicomte Amaury d'Harcourt). Regardez-le assis tranquillement sur son fauteuil, c'est scandaleux. Il n'a jamais fait un jour de prison. Pourquoi ? hein, pourquoi ? Il a monté le complot avec Belkacem pour se venger de notre mère. Le complot monté par ces deux-là, on y croit". Les enfants de Jean-Michel Bissonnet, carbonisés jusqu'à la fin de leur vie ont parlé avec leur coeur, dans un silence de cathédrale.
"Vous pouvez voter blanc"
Leur avocate, Raphaëlle Chalié prend la parole, au nom également de Pierre Juan. Paradoxalement, le père de Bernadette croit en l'innocence de son gendre. Un père très âgé, qui vient de subir l'opération d'une hanche et qui est le grand absent du procès. Il se dit que Pierre Juan a été très ébranlé par l'épisode de la tentative de subornation de témoins reprochée à M.Bissonnet et qui avait entraîné le report du premier procès...Mais les Bissonnet vous diront que c'est faux ! Me Chalié fixe Méziane Belkacem, tête baissée dans le box : "Vous avez raison, Mr Belkacem, baissez les yeux. Qui êtes vous ? Etes-vous crédible ?". L'avocate qui a indéniablement déblayé le terrain pour ses trois collègues de la défense du mari noircit l'image de cet Algérien de 53 ans, qui depuis les faits endosse le pire des crimes : l'assassinat d'une femme innocente : "Vous avez menti en taisant la participation du vicomte pendant deux mois. Vous avez encore menti quand vous avez donné une fausse position des deux tirs sur la victime, lors de la reconstitution. Où étiez-vous le soir des faits entre 18h45 et 19h50 ? Avec Amaury d'Harcourt pour monter votre plan diabolique ?". Me Chalié ne ménage pas le vicomte : "Vous aussi, vous avez multiplié les mensonges : un jour, vous dites gris, le lendemain, blanc et puis noir. Belkacem et vous avez intérêt à mentir pour accabler M.Bissonnet. Et vous aviez un mobile commun : l'argent. M.Belkacem voulait 5 000 euros pour acheter une voiture, vous, Mr Amaury d'Harcourt, vous aviez demandé 30.000 euros à M.Bissonnet, Bernadette avait dit non. Vous vous êtes vengés".
"Avec les étrennes de Bernadette"
Au terme de deux heures d'une démonstration hasardeuse et tortueuse pour "extraire" du puzzle criminel le mari, Raphaëlle Chalié se tourne vers les jurés : "Vous pouvez voter blanc, si vous avez un doute, votez blanc". Jean-Michel Bissonnet écoutait sagement, jetant de temps en temps des regards vers une salle comble, avec aux premiers rangs les amis du comité de soutien et du Rotary-Club. Mais, c'était sans compter sur Luc Abratkewicz, qui est venu ébranler ces moments favorables que le mari savourait. Bissonnet qui a horreur d'être mis en difficulté a craqué. Et l'avocat a terminé sa plaidoirie, sans Jean-Michel Bissonnet dans le box. "Je vous ai parlé du détail de la venue du vicomte devant la villa le soir des faits, que M.Bissonnet ne pouvait connaitre que s'il est impliqué. Voici cet autre détail qui trahit encore un peu plus M.Bissonnet : comment Méziane Belkacem pouvait-il savoir que le chien Pit serait absent de la propriété ce soir-là ? On sait qu'il aboyait quand il entendait le déclic du portail qui s'ouvrait. Et comment le laveur de carreaux savait-il que M.Bissonnet téléphonerait à sa femme à 20h pour l'informer que le chien était monté dans son 4x4 à son insu, ce qui s'est révélé exact ? Il l'a déclaré dans sa déposition aux gendarmes, un seul acteur pouvait lui dire : M.Bissonnet". Et Me Abratkewicz de porter l'estocade : "Les 30.000 euros que Jean-Michel Bissonnet avaient promis de donner à Méziane Belkacem pour ce contrat, eh bien, c'étaient les étrennes de Bernadette. A Noël, son père, Pierre Juan lui avait offert 30.000 euros"...Jean-Michel Bissonnet était déjà en route pour la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. On saura demain matin s'il accepte de revenir devant la cour d'assises.
Jean-Marc Aubert

6 févr. 2011

Pourquoi la version de Jean-Michel Bissonnet n'est pas crédible

Cette fois, le procès des trois accusés de l'assassinat de Bernadette Bissonnet devrait aller à son terme, contrairement au premier, interrompu au cinquième jour d'audience, à la fin de l'année dernière sur un coup de théâtre : un ex-taulard avait révélé que Jean-Michel Bissonnet, le mari de la victime avait voulu le soudoyer pour qu'il accable le vicomte Amaury d'Harcourt. Au premier procès, contre rémunération (1000 euros par mois promis), Dominique P., un escroc notoire ayant partagé la cellule de M.Bissonnet devait venir dire à la cour d'assises, que l'aristocrate octogénaire était en réalité le commanditaire de l'assassinat, le soir du 11 mars 2008, dans la villa huppée de Castelnau-le-Lez. Mais, l'ancien co-détenu s'est vengé et a dénoncé le projet du mari, entraînant le départ des premiers avocats de la défense et le renvoi du procès au 10 janvier. C'est pourtant cette thèse du complot ourdit par le vicomte et Méziane Belkacem que les trois avocats de Jean-Michel Bissonnet vont développer pour plaider l'acquittement. Avec l'aide de Raphaëlle Chalié qui, portant la parole des deux fils du mari ne cesse depuis le début du procès de voler à son secours, lorsqu'il est en difficulté. Dans son box, Jean-Michel Bissonnet, tantôt calme, tantôt énervé, s'est entêté durant quatre semaines à convaincre les trois magistrats et les neufs jurés de son innocence. Or, cette version n'est pas crédible. Voici pourquoi.
Inconnus
Les débats ont prouvé matériellement et scientifiquement que le vicomte Amaury d'Harcourt et Méziane Belkacem, le laveur de vitres embauché depuis cinq ans par les Bissonnet ne se connaissaient pas. Au terme d'une enquête exemplaire, les gendarmes (section de recherches de Montpellier et brigade de recherches de Castelnau-le-Lez) ont formellement établi l'absence de tout contact les six mois ayant précédé les faits : ni échange d'appel téléphonique sur les mobiles ou sur des postes fixes, aucune rencontre physique. La première fois que le vicomte a croisé Méziane Belkacem, c'était l'après-midi des faits, dans la propriété des Bissonnet, en présence du mari. Et à son initiative pour révéler à Amaury d'Harcourt que le laveur de carreaux allait tuer son épouse le soir même, pendant qu'il participait à une réunion du Rotary-Club à Montpellier. M.Bissonnet aurait demandé à son vieil ami de quarante ans de montrer le maniement de l'arme du crime, un vieux fusil de chasse à canon scié, à Méziane Belkacem et de lui montrer l'endroit où il fallait tirer pour tuer. Le trio aurait mimé la scène dans le garage de la propriété, en l'absence de Bernadette Bissonnet, partie faire des courses. La reconstitution de la journée du 11 mars 2008 faite à l'audience par un président méticuleux a d'ailleurs établi que le vicomte et M.Belkacem n'ont pu se trouver seuls et se parler que quatre minutes, comme d'ailleurs l'a confirmé Jean-Michel Bissonnet. "Il est quasiment impossible que les deux hommes aient pu inventer un plan diabolique en quatre minutes" assurent Jean-Robert Phung et Luc Abratkewicz, parties civiles pour le frère de Bernadette. Jean-Pierre Juan est venu dire à la barre que "la vérité, c'est celle de Méziane Belkacem".
Mensonges
Jean-Michel Bissonnet a accumulé les mensonges, dont le dernier est lourd de sens : tant lors de l'instruction, que depuis le début du procès, le mari a toujours maintenu qu'il n'avait jamais appelé le vicomte le dimanche 9 mars pour lui demander de descendre en urgence de son château de l'Yonne pour lui rendre un service, comme Amaury d'Harcourt l'a toujours déclaré. Alors qu'il avait prévu de se rendre à Chartres le 12 mars, Jean-Michel Bissonnet lui a téléphoné pour le faire venir à Castelnau, la veille. Le 10 mars au soir, le vicomte avait donc quitté l'Yonne pour se rendre dans le sud, sans savoir quel service il devait lui rendre. Grâce au décrytage de la téléphonie (6500 heures d'écoutes et d'échanges de sms), le président Joël Mocaer a pris en défaut le mari : le 9 mars 2008, il a bien téléphoné à Amaury d'Harcourt, de 14h01 à 14h06. Cinq minutes de conversation. Or, cet appel a été passé du téléphone fixe d'un restaurant de Ferrières-les-Verreries (Hérault), au nord du pic-Saint-Loup, ce qui a déclenché le relais de Lasalle (Gard) et non d'un mobile. Ce dimanche-là, M.Bissonnet déjeunait dans ce restaurant avec Bernadette et deux couples d'amis...Le piège s'est refermé sur lui, à une semaine du verdict. Interrogé sur la raison d'avoir appelé depuis un poste fixe, Jean-Michel Bissonnet a expliqué que dans ce coin isolé, les réseaux des téléphones mobiles ne fonctionnaient pas. Pas de chance : l'analyse de la téléphonie atteste que dans le même créneau horaire, M.Bissonnet avait été destinaire d'appels sur son portable et qu'il avait bien conversé avec ses interlocuteurs. La cinquième et dernière semaine du procès débutera ce lundi matin à 10h par les plaidoiries des parties civiles et celle de l'avocate de Florent et de Marc Bissonnet. Ils ont perdu leur mère dans des circonstances épouvantables, ils sont marqués à vie. On comprend qu'ils refusent d'admettre le pire des scénarios. Ils ne veulent pas perdre leur père.
Jean-Marc Aubert

4 févr. 2011

Méziane Belkacem : "M.Bissonnet m'a dit que Bernadette voulait divorcer"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, VENDREDI 4 FEVRIER 2011, DIX-NEUVIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.


Méziane Belkacem n'a pas eu la vie flamboyante du vicomte Amaury d'Harcourt, ni celle dorée de Jean-Michel Bissonnet. Cet Algérien de 53 ans, père de cinq enfants issus de deux mariages détone dans ce trio improbable, jugé pour l'assassinat de Bernadette Bissonnet : analphabète, illetré -même s'il a progressé en détention, à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelmone où il suit des cours de français-, cet ouvrier n'a jamais roulé sur l'or. Pour boucler les fins de mois afin de nourrir sa petite famille, Méziane Belkacem multipliait les boulots en CDD : saisonnier agricole à Pérols, ouvrier à la Gazonnière de Saint-Laurent-d'Aigouze, près d'Aigues-Mortes, il faisait des "extras" et il était devenu le laveur de carreaux préféré du couple Bissonnet, dans la villa huppée de la Grenouillère, à Castelnau. Quand les Bissonnet faisaient appel à lui, il nettoyait les 400 m2 de baies vitrées, ça lui prenait trois jours. Il avait aussi travaillé chez Jean-Pierre Juan, le frère de Bernadette. Il séjournait chez son fils, Reynald qui habitait à deux pas de la place de la Comédie, à Montpellier. A l'époque des faits, ce fils de 25 ans était un sommelier irréprochable à "La Maison de la Lozère". Après les faits, Reynald Belkacem a trouvé un emploi à Londres. Mais, il n'a pas abandonné son père : en costard-cravate, retenant ses larmes, Reynald Belkacem est venu parler de lui, insistant sur l'éducation sans faille qu'il lui avait inculquée. Et il a répété que son père était un gros travailleur.
"Il ne prenait pas d'initiatives"
Tous ceux et celles qui ont bossé avec Méziane Belkacem l'ont confirmé, ne faisant que des louanges. Tous l'appellent Méziane. Alain P., 36 ans qui l'employait à Pérols : "Méziane était ponctuel, donnait un coup de main à ses collègues quand il terminait ses missions avant et il était d'une grande disponibilité, il n'hésitait pas à faire des heures supplémentaires. En cinq ans, je n'ai jamais eu à me plaindre de lui et j'avais envisagé de lui proposer un CDI en été 2008, malheureusement, il y a eu ce drame. Je ne le vois pas faire une chose pareille de son propre chef, il ne prenait pas d'initiatives. En revanche, n'importe qui avait de l'ascendance sur lui". Sandrine B., la comptable de la Gazonnière dit à la barre que "trois ans après les aveux de Méziane, j'ai encore beaucoup de mal à croire qu'il a fait tout ça, le jour où les gendarmes m'ont informé de son arrestation et de ce qui lui était reproché, je leur ai dit, mais, vous vous trompez pas de Méziane ?". Patrick V., Florian V., Florian F se succèdent et unanimes décrivent un collègue de travail "très calme, jamais énervé, acharné au boulot, faisant de l'humour".
Taciturne
Quand le président Joël Mocaer leur signale qu'ils ont évoqués un changement de comportement les semaines ayant précédé les faits, ils confirment : "Il souriait moins, il était devenu taciturne, il nous disait qu'il était en instance de divorce, il avait quitté sa femme et ses enfants à Nîmes et il habitait seul dans un hôtel proche d'Avignon, il avait des soucis d'argent, il n'avait pas les moyens d'acheter une Laguna d'occasion qui lui plaisait, elle coûtait dans les 5 000 euros". Pourtant, Belkacem avait confié au vendeur de cette voiture "qu'il lui donnerait l'argent en liquide". C'était deux jours après l'assassinat de Bernadette Bissonnet..."Il m'avait téléphoné, oui, pour me demander de passer le contrôle technique, puis, il a été arrêté" se souvient le témoin. Dans l'immeuble de Nîmes où il a croisé régulièrement pendant huit ans sa voisine de palier, Claudine B., il était apprécié pour sa discrétion et son amabilité. Toutefois, le président fait remarquer à Mme B. qu'il lui avait fait des avances. Embarrassée, Mme B. confirme du bout des lèvres : "Après sa séparation, un jour, il est venu retirer du courrier, il m'a clairement fait des avances, j'ai refusé, j'ai un ami". Le président : "Mais, vous avez donné votre numéro de mobile à M.Belkacem, je sais, c'est inconfortable, mais la cour veut savoir". Très gênée, Claudine B. consent "lui avoir donné son portable pour qu'ils discutent ensemble de sa grande détresse, M.Belkacem était perdu, c'était pour l'aider".
"Plan infaillible"
L'enquêtrice de personnalité, les experts psychologues et psychiatres racontent comment Méziane Belkacem analyse son implication dans l'assassinat et fournit donc le mobile : "Il nous a dit que depuis plusieurs mois avant les faits, lorsqu'il l'invitait à boire le café dans la villa, Jean-Michel Bissonnet lui parlait de ses problèmes conjugaux. Un jour, je lui ai parlé de ma séparation avec ma deuxième femme vivant à Nîmes, qu'elle demandait le divorce et il m'a dit que sa femme voulait aussi divorcer. M.Bissonnet a ajouté qu'en cas de divorce, il perdrait tout et surtout sa maison, c'était son paradis". Belkacem confirme. Et précise : "En février 2008, il m'a dit c'est pour le 11 mars, tu verras, c'est pas Georges Frêche que tu devras buter. J'ai appris que c'était Mme Bissonnet que quelques jours avant, je lui ai dit que je ne prendrais l'argent promis, 30.000 euros qu'après mon geste, car je n'étais pas sûr d'exécuter le contrat. Le matin des faits, il m'a montré une liasse de gros billets. Il m'a recommandé de m'enfuir en Algérie avec l'argent. Je me rappelle très bien que M.Bissonnet m'a dit que son plan était infaillible". L'avocat général Georges Guttierez est intéressé par l'emploi de cet adjectif : "Est-ce qu'un analphabète et un illetré peut connaître ce mot et sa signification ?". Sous entendu, Méziane Belkacem n'a pas pu l'inventer, en rapportant fidèlement les propos de M.Bissonnet.
"Le diable a gagné
Son collègue de l'accusation, l'avocat général Pierre Denier veut savoir quelle est la pratique religieuse de l'accusé : "Je suis musulman, je fais la prière cinq fois par jour". Pierre Denier : "Le coran reprend les préceptes de la Bible, dont "tu ne tueras point". Alors, comment expliquez vous ce passage à l'acte ? Belkacem : "Avec le recul, je me suis fait manipuler, mais il faut payer pour ce qu'on a fait. J'assume tout, je n'ai pas à pleurer sur mon sort, je dois dire la vérité, toute la vérité en mémoire pour Mme Bissonnet, elle était gentille et pour ses fils, qui souffrent. On se bat toujours avec le diable, ce jour-là je me suis détourné de son chemin et le diable a gagné". Méziane Belkacem aurait pu faire carrière dans l'armée, comme son père, un harki qui a combattu pour la France : "J'ai fait mon service militaire chez les parachutistes, mais ça m'a pas plu, je pliais les parachutes, j'ai jamais sauté. Et je n'aimais pas me servir des armes, lorsque je tirais, je ratais toujours les cibles". C'est ce qui explique qu'en tirant sur Bernadette Bissonnet, il s'est blessé au pouce gauche, en le plaçant très maladroitement sur le canon du fusil de chasse. Peut-être parce qu'il n'a pas eu le courage de regarder la malheureuse. Méziane Belkacem était à deux doigts de réussir le crime parfait, planifié de bout en bout par le mari de la victime, comme il l'a asséné une nouvelle fois. Sans que Jean-Michel Bissonnet ne s'agite dans le box...
Jean-Marc Aubert

CINQUIEME ET DERNIERE SEMAINE : Dernière ligne droite de ce procès, à partir de lundi avec les plaidoiries des avocats (défense et parties civiles) et des réquisitions des avocats généraux. Verdict peut-être mercredi soir, sinon jeudi. A LIRE ICI DES DIMANCHE SOIR, L'ANALYSE DE CES QUATRE SEMAINES D'AUDIENCES.

3 févr. 2011

L'assistant du mari : "M.Bissonnet est un sanguin qui aime titiller"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, JEUDI 3 FEVRIER 2011, DIX-HUITIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Ce jeudi matin, quand Cédric L., 35 ans a décrit son patron, Jean-Michel Bissonnet comme "un sanguin qui aime titiller, il titillait Bernadette parfois, il a un côté provocateur que beaucoup de gens détestent, M.Bissonnet aime aussi l'humour noir", il ne croyait pas si bien dire. Assistant du mari dans la société d'archivage Mémoris au Millénaire (l'entreprise stocke 30 kilomètres d'archives des cabinets d'avocats, de notaires et d'huissiers d'ici), il a eu cette image, en précisant que "certes, c'est un sanguin qui aime titiller, mais il n'est pas rancunier, il est impulsif, mais deux heures après, il a oublié et il s'excuse s'il s'est trompé". Dans l'après-midi, l'accusé a démontré que s'il aime titiller, en revanche, il a horreur d'être titillé ! Il est 17h35, quand Jean-Michel Bissonnet, une fois de plus excédé par une remarque de Luc Abratkewicz, l'avocat du frère de Bernadette sur le témoignage partial du président du comité de soutien à l'accusé, souhaite intervenir. Refus du président, qui souhaite que le témoin, Claude Jacquemin termine sa déposition très controversée. Furieux, Jean-Michel Bissonnet se lève et quitte le box, se réfugiant dans la salle de garde des gendarmes de l'escorte. Le président, Joël Mocar suspend l'audience, demande à un psychiatre d'examiner l'accusé, qui demande trois cachets d'Atarax, un médicament prescrit en cas d'anxiété et que "le médecin-chef de la prison refuse de me donner depuis plusieurs jours", comme il s'en était déjà plaint le matin, en début d'audience. Vendredi matin, avant de quitter la maison d'arrêt, M.Bissonnet sera examiné par son psychiatre qui suit son traitement depuis son incarcération préventive, à la demande expresse du président de la cour.
Comité de soutien
Les débats reprennent après une heure d'interruption, mais l'accusé, tassé dans un recoin du box, le visage enfoui dans ses mains, s'essuyant les yeux avec un mouchoir semble ne pas suivre l'interrogatoire des témoins, principalement des membres du Rotary-Club Rabelais, dont il était le trésorier à l'époque des faits. "Je suis ici non pas en tant que rotarien, mais comme ami de M.Bissonnet" tient à préciser Claude Jacquemin, qui explique longuement comment il a accepté de prendre la présidence du comité de soutien en faveur du mari, "qui est étranger à ce crime abominable, c'est ridicule et invraisemblable, il n'y a aucun doute là-dessus. Cet assassinat, c'est un travail d'amateur, mal fait, avec des choses qui ne collent pas, Jean-Michel Bisonnet, s'il était le commanditaire ne se serait pas embarrassé d'un laveur de carreaux n'yant jamais tenu un fusil et d'un vieux monsieur, quand M.Bissonnet faisait les choses, c'était carré". Il rectifie un peu son jugement : "Ce comité de soutien n'a pas à dire si M.Bissonnet est innocent ou coupable, nous l'avons créé pour que le principe de la présomption d'innocence soit appliqué. Comme le vicomte Amaury d'Harcourt, M.Bissonnet doit en bénéficier et il devrait donc comparaître devant vous, libre. On a invoqué depuis trois ans pour le maintenir en détention le risque de trouble public, ça n'a aucun sens". Question du président : "Et selon vous, M.Belkacem devrait être en liberté aussi ?". Sonné sur le coup par cette question, le retraité s'embrouille et met en cause le travail des gendarmes, des juges d'instruction, du procureur.
Sondage
L'avocat général Georges Guttierez se lève : "Monsieur, ce comité de soutien n'est-il pas plutôt un groupe de pression pour obliger les juges à remettre M.Bissonnet en liberté ?". Claude Jacquemin, embarrassé : "Non, absolument pas, notre but était de faire bénéficier à Jean-Michel Bissonnet du principe de la présomption d'innocence, bafoué notamment par la presse, M.Bissonnet a été victime d'une scandaleuse campagne médiatique, on a même écrit qu'il avait des relations sexuelles avec le vicomte, c'est abject. Ces rumeurs, c'est pire que l'affaire Baudis". (Ndlr : Dominique Baudis, ex-maire de Toulouse accusé à tort d'avoir couvert des pédophiles, des ballets roses et d'avoir protégé le tueur en série Patrice Alègre)". Luc Abratkewicz intervient : "Les premiers à avoir médiatisé cette affaire sont M.Bissonnet, ses deux fils et leurs premiers avocats. Le comité de soutien que vous présidez a participé à cette médiatisation pour appuyer l'innocence de M.Bissonnet, notamment en faisant réaliser un sondage, que vous avez fait publier dans Le Midi Libre". Colère de l'accusé qui traite Me Abratkewicz de "menteur", insultes entre avocats, brouhaha dans la salle, l'audience est encore suspendue quelques minutes. Agacé, Henri Leclerc relève que "quand on parle en bien de M.Bissonnet, ça dérange, ça gêne".
Appels tardifs
Plusieurs témoins sont venus dire à la cour que le couple Bissonnet était proche, uni, inséparable. Qu'ils n'y avait pas l'ombre d'un nuage dans les relations entre Jean-Michel et Bernadette Bissonnet. Tous sont membres du comité de soutien et affichent sans équivoque leur conviction : le mari est innocent. Martine H-F, amie du couple depuis quinze ans : "Un jour, j'ai vu Jean-Michel souffler doucement dans le cou de Bernadette, ils s'aimaient. Un autre jour, elle fumait et Jean-Michel lui a apporté un cendrier, c'était touchant". Paul Rico, considéré par M.Bissonnet comme son meilleur ami : "C'était un couple parfait, un exemple pour leurs enfants. Bernadette était adorable, irréprochable". Son épouse confirme : "Elle me parlait sans cesse de sa joie d'être bientôt grand-mère. On se voyait trois fois par semaine". Tous le répètent : Bernadette Bissonnet n'aimait pas le vicomte Amaury d'Harcourt, qu'elle qualifiait de pique-assiette. Les meilleurs amis du couple sont interrogés par Joël Mocaer pour savoir à quel moment ils ont appris l'assassinat de Bernadette Bissonnet : tardivement, très curieusement, le lendemain après-midi pour certains, seulement la veille de l'enterrement pour d'autres. Aucun ne s'est demandé pourquoi Jean-Michel Bissonnet avait "oublié d'annoncer l'horrible nouvelle à ses deux fils et à ses meilleurs amis, alors qu'il avait cherché à joindre le vicomte à 4h07 la nuit des faits, puis à 7h le lendemain matin. Pour l'informer de l'assassinat de sa femme, comme il l'a encore dit au procès...
Jean-Marc Aubert


Francis Spitzner présent dans le public
Le pénaliste Francis Spitzner a fait un bref passage parmi le public, dans la salle de la cour d'assises ce jeudi en fin de matinée. Avocat de Jacques Chirac, d'Alain Juppé, du cerveau du "gang des barbares" et partie civile dans les procès du professeur de droit Viguier, accusé d'avoir assassiné sa femme à Toulouse et de l'avoir faite disparaître -son corps n'a jamais été retrouvé et il a été acquitté deux fois-, Francis Spitzner a écarté toute éventualité de s'inviter dans le procès de Jean-Michel Bissonnet et de ses deux co-accusés, au côté de son confrère Henri Leclerc. Il se trouvait jeudi à Montpellier pour plaider un dossier impliquant un avocat et élu des Pyrénées-Orientales, devant la cour d'appel. Il a regagné Paris dans l'après-midi.

2 févr. 2011

Une amie : "Bernadette était une femme dynamique, enthousiaste, très famille"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, MERCREDI 2 FEVRIER 2011, DIX-SEPTIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.

Enfin un hommage à Bernadette Bissonnet. Depuis le début du procès, il en a été question bien sûr, mais furtivement, sans véritablement dresser le profil de cette pharmacienne à la retraite de 57 ans, injustement tuée de deux décharges de fusil de chasse, dans le hall d'entrée de la villa du couple. Ce soir-là, alors que son mari venait de partir à sa réunion hebdomadaire du Rotary-club et qu'elle sirotait un Coca-Cola devant la télé, quand elle a compris qu'elle allait mourir, elle a levé ses deux bras devant son visage, comme pour se protéger et elle a crié "Maman", comme l'a raconté Méziane Belkacem. Le laveur de carreaux maintient qu'il a abattu la malheureuse à la demande de Jean-Michel Bissonnet, selon un plan machiavélique élaboré, selon lui avec la complicité du vicomte Amaury d'Harcourt. L'aristocrate ruiné reconnaît avoir jeté l'arme du crime dans le Lez et assure sans concession : "Belkacem dit la vérité". Un improbable trio qui se côtoie jusqu'au verdict, attendu en fin de semaine prochaine. Une mort violente épouvantable pour une jolie quinquagénaire qui ne méritait pas un tel sort. Alors, on a évoqué la vie écourtée de Bernadette Bissonnet, ce qui a fait beaucoup de bien aux deux fils, toujours convaincus de l'innocence de leur père. Très peu d'amies ont été citées, mais celle qui en a parlé le mieux en début d'après-midi, Michèle P-K, 56 ans n'a pu retenir ses larmes : "Mme Bissonnet était adorable, elle était gentille, avenante, c'était une sportive, elle allait à sa gym et on courait ensemble tous les samedis matin. Souvent, on se revoyait le soir pour dîner. Bernadette était une femme dynamique, enthousiaste, très famille. Elle me parlait tout le temps de ses enfants, elle était heureuse de savoir que l'aîné, Florent allait être papa. Et elle était impatiente de monter quelques jours à Paris chez Marc, le plus jeune, avec qui elle était très proche. Bernadette n'était pas secrète, elle me parlait de son mari, le couple paraissait heureux, je n'ai rien noté d'anormal dans sa relation, il était fusionnel". Très émue, elle ajoute : "Jamais elle ne critiquait son mari, ce qui est plutôt rare pour une femme. Elle avait de l'humour".
"Elle s'ennuyait"
Le président, Joël Mocaer lui rappelle ce qu'elle a pourtant déclaré aux gendarmes, après l'assassinat de son amie : "Vous avez dit que Bernadette Bissonnet vous avait déclaré que son mari était un peu trop casanier". Michèle P-K : "Oui, c'est vrai, elle me l'avait dit un jour. Moi, je ne le pensais pas, car le couple faisait beaucoup de voyages à l'étranger". Le président : "Vous avez déclaré aussi qu'elle s'ennuyait". Le témoin : "Oui, c'est ce qu'elle me disait parfois, elle s'ennuyait chez elle, elle envisageait de reprendre le travail, elle m'a dit, je ne veux plus être la femme de. Elle évoquait des disputes avec Jean-Michel, notamment à cause de Marc, mais je n'en ait jamais été témoin directement. D'après ce que Mme Bissonnet me rapportait, son mari ne supportait pas qu'elle prenne toujours la défense de Marc". Jacqueline B. lui succède à la barre. Cousine éloignée de Jean-Michel Bissonnet, il l'a surnomme affectueusement "ma grande soeur" dans une écoute téléphonique. Psychologue de profession, cette cousine lâche spontanément au président : "Jean-Michel n'y est pour rien dans cette affaire". Invitée à expliquer pourquoi, elle est catégorique : "Depuis trois ans je cherche, je comprends rien à tout ça et surtout, il n'y a pas de mobile. Jean-Michel adorait Bernadette, ils étaient inséparables il n'a pas pu la faire tuer dans leur villa de rêve. Je pense que c'est un coup monté par le vicomte et par le jardinier. Ou alors, Mr le président, c'est un monstre".
"Elle m'a emmerdé"
Mais cette idylle parfaite n'était-elle qu'une façade ? A la fin de l'écoute téléphonique diffusée dans la salle -une conversation entre elle et M.Bissonnet interceptée deux jours après l'enterrement de sa femme-, l'accusé lâche à Jacqueline B. : "La roue tourne tu sais, Bernadette m'a tellement emmerdé, elle est inoubliable". Iris Christol, l'avocate de Belkacem constate que "M.Bissonnet ne pleure pas en tenant de tels propos envers son épouse". La cousine avoue ne pas être choquée : "Jean-Michel était dévasté par la perte sanglante et brutale de sa femme, il était complètement déstructuré par ce drame épouvantable. Il parle comme nous, les Pieds noirs, même après la mort d'un proche, on fait de l'humour". Rires dans le public. Michèle H., l'aide-ménagère des Bissonnet est formelle : "Je venais le matin de 9h à 12h15 trois jours par semaine à la villa de la Grenouillère, je n'ai jamais vu Mr et Mme Bissonnet se disputer. Je faisais le lit, ils dormaient ensemble, contrairement à ce que j'ai pu lire dans la presse". Le président lui demande que lui inspire cette affaire. Michèle H. sans hésiter : "M.Bissonnet est innocent, c'est impossible qu'il soit impliqué dans l'assassinat de Mme. Vous savez, j'ai de suite pensé à Méziane, quand j'étais à la maison, je le voyais regarder partout, dans des tiroirs pour voler des sous, il matait aussi madame. J'ai eu des soupçons sur lui, le jour même où on m'a annoncé ce crime terrible. Bon, il y avait ce détail de l'arme, un fusil de chasse à canon scié, c'est pas dans les habitudes des Arabes, eux, ils égorgent au couteau. Si M.Bissonnet avait voulu tuer sa femme, il l'aurait poussée dans un ravin en Afrique, où ils avaient voyagé quelques mois plus tôt".
"Pourriture, dégueulasse"
Luc Abratkewicz, un des avocats de Jean-Pierre Juan, le frère de la victime qui est partie civile est abasourdi : "Madame, pourquoi tout ce que vous venez de nous dire ici, vous ne l'avez jamais dit aux gendarmes, quand ils vous ont entendue à l'époque. Jamais, vous n'avez avancé des soupçons sur le laveur de carreaux, alors que vous avez été interrogée quatre jours après l'assassinat". Michèle H. est embarrasée : "A ce moment là, j'en voyais pas l'intérêt sûrement". Jean-Michel Bissonnet est agressif, il s'excite dans son box : "J'en ai marre de ces questions, je n'en peux plus, je n'en peut plus". Le président suspend l'audience, le temps que SOS Médecins envoie un docteur donner deux médicaments pour calmer le mari. Plus tard, à la faveur d'une nouvelle question de l'avocat de son beau-frère, Jean-Michel Bissonnet le traite de "pourriture et de dégueulasse", tandis que Florent et Marc laissent éclater leur colère : "ça fait trois ans qu'il nous cherche". Marc Bissonnet quitte la salle, furieux.
Madame Claude
Un journaliste d'une agence parisienne est malmené par Louis Balling, le défenseur du vicomte : "Vous avez été entendu par les gendarmes sur les conditions dans lesquelles vous meniez des investigations parallèles à leur enquête et vous leur avez raconté que M.Amaury d'Harcourt appartenait aux services secrets, qu'il a dirigé les chasses de l'Elysée sous Giscard d'Estaing, qu'il était proche de Madame Claude qui fournissait des call-girls de luxe pour des orgies dans le château de Mr d'Harcourt dans l'Yonne. Or, nous savons que ce ne sont que des rumeurs colportées par Jean-Michel Bissonnet et ses proches. N'avez-vous pas l'impression d'avoir été manipulé ?". Julien M. répond par la négative : "Comme je n'ai jamais eu de preuves, je n'ai jamais publié le moindre article". Luc Abratkewicz a une autre vision : "Vous avez pollué ce dossier". Des témoins défilent ensuite à la barre, tous membres du club de Rotary-club Rabelais, dont l'accusé était le trésorier. Ils étaient 27 le soir de l'assassinat de Bernadette Bissonnet dans un salon du Mercure à Montpellier, aucun n'a remarqué une attitude anormale du mari. Un des adhérents présents, notaire de profession se dit persuadé que "M.Bissonnet ait pu faire une chose pareille, c'est invraisemblable, c'est quelqu'un d'intelligent".
Jean-Marc Aubert

1 févr. 2011

La psychologue à propos de Bissonnet : "On peut aimer quelqu'un et vouloir le tuer"

COUR D'ASSISES DE L'HERAULT, MARDI 1er FEVRIER 2011, SEIZIEME AUDIENCE DU PROCES DES TROIS ACCUSES DE L'ASSASSINAT DE BERNADETTE BISSONNET, LE 11 MARS 2008 A CASTELNAU-LE-LEZ.


Roselyne Tessier est un petit bout de femme que l'on n'impressionne plus à la barre d'une cour d'assises, même si elle est malmenée par un ténor du barreau. En l'occurence, Henri Leclerc, qui a essayé de douter des conclusions de son rapport d'expertise sur Jean-Michel Bissonnet. Cette psychologue au franc-parler oeuvre au service de la justice depuis quarante ans et il fallait bien tenter de la destabiliser, voire de la décridibiliser, après l'attaque dont elle a fait l'objet de la part du mari : "Je l'ai vu une première fois à la maison d'arrêt de Béziers, deux mois après son incarcération, ça s'est bien passé. A mon arrivée pour un deuxième entretien à la demande des juges, après la mise en examen de M.d'Harcourt, il m'a froidement accueilli. Pointant un doigt vengeur sur moi, il m'a dit jurer devant Dieu et ses deux enfants que je l'avais accusé d'avoir fait tuer sa femme lors de ma première visite. Vous vous rendez compte de la gravité de l'attaque, jamais je ne serais aller à tenir des propos pareils, jamais. Et en quarante ans de carrière, c'est la première fois qu'on m'accusait de ça". Me Iris Christol, un des avocats de Méziane Belkacem : "C'était donc un mensonge". La psychologue, sans hésiter : "Absolument, maître et ça m'a indigné". Un mensonge de plus (ndlr : voir ci-dessous l'épisode de l'appel téléphonique au vicomte le 9 mars 2008).
"Un ami"
Ce deuxième entretien intéresse beaucoup Luc Abratkewicz, un des avocats du frère de Bernadette Bissonnet et son confrère Louis Balling qui défend le vicomte. Ils remarquent que, très curieusement, lors du premier entretien avec Roselyne Tessier, Jean-Michel Bissonnet n'a jamais cité le prénom, ni le nom d'Amaury d'Harcourt, se contentant d'évoquer vaguement "un ami". Et que lors de la deuxième visite, postérieure à l'implication du vicomte ayant avoué avoir jeté l'arme du crime dans le Lez, il l'a désigné sous son identité, avant de le charger et de le désigner comme le commanditaire de l'assassinat de son épouse. "C'est exact" confirme-t-elle. Luc Abratkewicz s'étonne que "dans le déroulement de sa vie, Jean-Michel Bissonnet ne parle que de ses succès, jamais de ses échecs. Les échecs, on a l'impression que c'est la faute aux autres. Et puis, lorsqu'il parle de sa villa, il décrit un grand arbre près du hall d'entrée, d'autres détails anodins, mais il ne parle jamais de Bernadette". La psychologue le concède. Alors, à l'instar du président et des avocats généraux, Iris Christol, Luc Abratkewicz et Louis Balling veulent faire tomber le masque du mari, dans l'hypothèse où il aurait une double personnalité. Roselyne Tessier fait preuve d'une prudence neutre : "Ou M.Bissonnet est innocent et sa quête vers la vérité quelquefois virulente est compréhénsible, son combat est légitime, ou il est coupable, mais il n'est pas prêt à avouer. Il peut très bien lutter contre un conflit intérieur qu'il verrouille. Dans cette hypothèse, il fuit les regards d'autrui". Question pertinente de l'avocat général Georges Guttierez : "Peut-il fuir les regards de ses enfants ?". Mme Tessier : "Oui". Comme l'expert précédent et comme l'enquêtrice de personnalité, la psychologue a noté que "M.Bissonnet parle beaucoup, mais,'il passe brusquement des rires aux larmes et des larmes aux rires".
"Pleurs sans larmes"
Dans son box, le mari s'énerve, quand l'enquêtrice de personnalité confirme la déposition de la psychologue, révélant "avoir été surprise que M.Bissonnet pleure sans larmes, je n'avais jamais vu ça depuis que je collabore avec les tribunaux". Lors du premier procès écourté, Jean-Robert Phung, partie civile pour Jean-Pierre Juan, le frère de la victime avaient qualifié ces pleurs saccadés de "faux sanglots". Sur les sentiments et sur les émotions fluctuantes de Jean-Michel Bissonnet, l'avocat général Guttierez veut savoir si un homme éprit de sa femme peut passer de l'amour à la haine. "Ce n'est pas incompatible, on peut très bien aimer quelqu'un et vouloir la tuer" confirme la psychologue. L'accusé est chaud bouillant. Son calvaire est loin d'être terminé. Iris Christol souhaite comprendre pourquoi Jean-Michel Bissonnet en veut à la terre entière : "Il ne cesse de répéter qu'il est victime de complots, complots des gendarmes, des juges, de la bande des procureurs, des experts, de l'association Invitation à la Vie (IVI), de la famille du vicomte, des proches de Belkacem. Comment expliquer cette dimension délirante de persécution ?". Roselyne Tessier avance une hypothèse : "C'est peut être un mécanisme de défense, M.Bissonnet est sans cesse sur la défensive, sur l'offensive, mais je ne pense pas qu'il souffre de paranoïa, il est plutôt dans un délire obsessionnel, c'est à dire à la recherche d'explications logiques, dans l'hypothèse où il est innocent".
"Je suis lâche"
Raphaëlle Chalié, l'avocate des deux fils Bissonnet fusille sa consoeur du regard. Iris Christol enfonce le clou : "Quand il parle de Bernadette, ce que M.Bissonnet fait très rarement, la seule chose qu'il dit d'elle, c'est qu'elle parlait trop, qu'elle était trop franche, qu'elle était gaffeuse. Bref, tout le contraire de lui, qui ne cesse de présenter un visage absolu de perfection". La psychologue abonde dans cette analyse : "Il est égocentrique et narcissique, il est très attaché à cette bonne image de lui qu'il véhicule". Reste que parfois Jean-Michel Bissonnet parle un peu trop. "Lors d'un des deux entretiens, M.Bissonnet clamant son innocence en est venu spontanément à évoquer l'acte de tuer. A propos de l'assassinat de sa femme et des accusations du vicomte et du laveur de carreaux, il m'a dit : j'aurai pas eu le courage d'entreprendre une chose pareille, je suis lâche" rapporte Roselyne Tessier à la barre. Pour bon nombre d'observateurs avisés, cette phrase est lourde de sens. Selon eux, c'est pratiquement l'aveu qu'il a demandé à des amis d'accomplir la sale besogne...
Jean-Marc Aubert




EXCLUSIF : Bissonnet a bien téléphoné au vicomte le 9 mars 2008

A l'issue de l'audience de lundi, le président Joël Mocaer a ordonné des vérifications téléphoniques sur un appel passé le dimanche 9 mars 2008, deux jours avant l'assassinat de Bernadette Bissonnet, depuis un poste fixe dans l'Hérault et qui a déclenché un relais de téléphonie dans le Gard. Il a délivré une commission rogatoire aux gendarmes de la section de recherches de Montpellier pour éclaircir si Jean-Michel Bissonnet a bien appelé ce jour-là le vicomte Amaury d'Harcourt sur son mobile depuis la ligne fixe de l'hôtel-restaurant Le Mas de Baume à Ferrières-les-Verreries, au nord du pic-Saint-Loup, dans l'Hérault, qui a déclenché le relais de Lasalle (Gard).M.Bissonnet a indiqué avoir déjeuné ce dimanche là avec son épouse Bernadette et deux couples d'amis, mais a nié avoir appelé le vicomte. Or, Amaury d'Harcourt a toujours maintenu que le 9 mars 2008, Jean-Michel Bissonnet lui avait téléphoné pour qu'il vienne à Montpellier le 11 mars -jour des faits- "afin de lui rendre un service". Après des investigations diligentées le matin en urgence, les gendarmes ont remis les résultats de leurs vérifications au président Mocaer ce mardi en début d'après-midi, confirmant que le dimanche 9 mars 2008, Jean-Michel Bissonnet a effectivement téléphoné au vicomte Amaury d'Harcourt depuis le poste fixe de cet établissement de Ferrières-les-Verreries.
Folles rumeurs
La communication qui a débuté à 14h01 s'est terminée à 14h05 minutes et 56 secondes. Le président doit donner lecture des résultats de la commission rogatoire, avant la fin de l'audience. Interrogé lors du procès sur l'existence de cet appel téléphonique deux jours avant l'assassinat de sa femme pour demander au vicomte d'avancer sa venue à Montpellier de 24 heures -le 11 mars au lieu du 12-, Jean-Michel Bissonnet a toujours nié et a même mis en doute la réalité de cet appel téléphonique à l'audience de vendredi dernier. D'où cette enquête ordonnée par le président. Par ailleurs, Joël Mocaer a délivré lundi soir une autre commission rogatoire, toujours aux gendarmes de la section de recherches pour lever de folles rumeurs véhiculées par Jean-Michel Bissonnet  et évoquées à l'audience, à savoir que le vicomte Amaury d'Harcourt aurait fait partie des services secrets et qu'il aurait joué un rôle dans la mort suspecte de François de Grossouve, le conseiller spécial de feu François Mitterrand, retrouvé "suicidé' à l'Elysée et qu'il aurait été impliqué dans le meurtre de la veuve Ghislaine Marchal à Grasse (Alpes-Maritimes), dans lequel fut accusé Omar Raddad, le fameux jardinier de "Omar m'a tuer" ! Le ministère de l'Intérieur n'avait pas transmis ce soir de réponse aux "limiers" montpelliérains.
Jean-Marc Aubert